Pousses vertes, feuilles mortes
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« Personne ne veut s’asseoir à côté de moi dans le métro, on me regarde de travers, j’ai l’impression d’être une pestiférée. » Lorsqu’une jeune Franco-Chinoise prononce ces mots sur une radio parisienne, les premiers cas de Covid-19 viennent d’être signalés à Wuhan. Tout le monde pense alors que le nouveau coronavirus va se tenir bien tranquille en Chine, cet immense pays à nul autre pareil.
Moins d’un mois plus tard, il changeait dans la douleur le cours de l’histoire humaine. Le rapport de l’homme au monde et les relations entre les nations ne pourront plus être les mêmes après son passage. La globalisation s’est toujours nourrie de la diversité des modes de vie et des points de vue sur le réel, mais aussi d’une distinction entre le proche et le lointain qui en est, pour ainsi dire, une composante paradoxale. À l’ère des « gestes barrières » et de la « distanciation sociale », l’autre est a priori pathogène. Que l’on nous engage de manière si soutenue à ne pas lui serrer la main dit clairement que la « nouvelle normalité » n’entend nullement s’encombrer de fraternité.
De fait, la peur de la destruction individuelle ou collective a révélé au cours de cette tragédie la part d’ombre des sociétés modernes. L’idée qu’après tout les plus faibles devraient pouvoir payer le plus lourd tribut à la pandémie s’est peu à peu glissée dans tous les esprits. À des hommes politiques aussi frustes que Bolsonaro et Trump le Covid-19, surtout fatal aux gens de rien – malades chroniques, vieillards, indigènes d’Amazonie, Noirs et Latinos – apparaît comme une « divine surprise ». Traduisant en novlangue ce que les racistes de tout poil hurlent sur les estrades, ils ne font aucun effort pour dissimuler leur excitation. Il n’est pas étonnant que les États-Unis et le Brésil soient en train de payer le plus lourd tribut au Covid-19. La pandémie souligne et rend plus visibles les inégalités sociales puisque c’est la pauvreté qui rend ces communautés si fragiles.
Il est en revanche beaucoup plus difficile de s’expliquer comment monsieur Tout-le-Monde, qui en principe ne hait personne, peut se faire si facilement à l’idée que la vie humaine a moins de valeu
« Ce sont les inégalités qui menacent la fraternité »
Cynthia Fleury
La philosophe Cynthia Fleury évoque les origines sacrées de la fraternité, la façon dont les révolutions de 1789 et 1848 s’en sont emparées, ainsi que la place qu’elle occupe dans notre société au voisinage de la solidarité et du care.
[Rouge]
Robert Solé
En supposant que le bleu exprime la liberté et le blanc l’égalité, la fraternité ne peut être que rouge. C’est la couleur par excellence, celle qu’on utilise à tout propos, pour alerter, freiner, encourager, exciter… Peu discrète, très courtisée, elle est consciente de son …
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Comment expliquer l’ubuntu, ce concept difficile à traduire en langue occidentale ?
Le mot ubuntu est devenu un slogan en Afrique du Sud – on le retrouve sur les bâtiments et dans les discours. Il signifie en…