La COP26 s’est ouverte à Glasgow dans un climat de profonde inquiétude. Six ans après la signature de l’accord de Paris, la trajectoire espérée pour contenir le réchauffement de la planète paraît encore bien lointaine, faute d’investissements massifs dans la transition écologique chez les pays les plus pollueurs. Pire : en 2021, les centrales à charbon ont même connu une nouvelle jeunesse, en Chine comme aux États-Unis, pour soutenir la reprise économique (et pallier la hausse des prix du gaz). Comment dès lors espérer réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre ? Comment éviter de prendre davantage de retard dans une opération qui ressemble déjà à la quadrature du cercle : limiter la consommation énergétique d’un monde dont la population et le niveau de vie ne cessent d’augmenter, et qui devra, bon gré mal gré, se priver de son principal carburant, le pétrole ?

Dans son nouvel essai, Rationalité (Les Arènes), le psycho­logue Steven Pinker applique la théorie des jeux pour analyser la situation climatique, à travers l’exemple du « dilemme du prisonnier » : deux suspects sont arrêtés par la police pour être interrogés. S’ils dénoncent l’autre, ils peuvent être libérés et l’autre ira à l’ombre pour dix ans ; s’ils se taisent, ils écoperont tous deux de six mois de prison. Mais si tout le monde se dénonce, leur peine sera de cinq ans chacun… On voit bien là l’enjeu de la coopération en matière de transition écologique : il est tentant de se défausser sur les autres, en jugeant que le voisin risque de faire de même. De plaider que les sacrifices individuels ne changeront rien, qu’il vaut mieux jouer au passager clandestin, pour ne pas finir en dindon de la farce. C’est la posture la plus « rationnelle » au premier regard. Mais le résultat, en fin de compte, se révélerait bien plus coûteux pour chacun que celui d’une coopération de tous. C’est vrai au niveau national, où classes populaires et aisées se renvoient la responsabilité. Ça l’est aussi sur le plan inter­national, entre pays du Nord et du Sud. Montrer l’exemple, prendre le chemin de la sobriété, comme le dessinent plusieurs contributeurs de ce numéro du 1, c’est faire le pari un peu insensé de la bonne volonté générale. Mais c’est encore la meilleure voie vers un monde décarboné, où la catastrophe ne serait plus si certaine. 

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