« Un retour à la simplicité n’a rien d’invraisemblable. La science elle-même pourrait bien nous en montrer le chemin. Tandis que physique et chimie nous aident à satisfaire et nous invitent ainsi à multiplier nos besoins, on peut prévoir que physiologie et médecine nous révéleront de mieux en mieux ce qu’il y a de dangereux dans cette multiplication, et de décevant dans la plupart de nos satisfactions. J’apprécie un bon plat de viande : tel végétarien, qui l’aimait jadis autant que moi, ne peut aujourd’hui regarder la viande sans être pris de dégoût. On dira que nous avons raison l’un et l’autre, et qu’il ne faut pas plus discuter des goûts que des couleurs. Peut-être ; mais je ne puis m’empêcher de constater la certitude inébranlable où il est, lui végétarien, de ne jamais revenir à son ancienne disposition, alors que je me sens beaucoup moins sûr de conserver toujours la mienne. (…) Toute notre civilisation est aphrodisiaque. Ici encore la science a son mot à dire, et elle le dira un jour si nettement qu’il faudra bien l’écouter : il n’y aura plus de plaisir à tant aimer le plaisir. »

Les Deux Sources de la morale et de la religion, 1937

 

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