Dans le but d’amener les gens à se regarder
davantage dans les yeux,
et aussi pour apaiser les muets,
le gouvernement a décidé
d’allouer à chaque personne exactement cent
soixante-sept mots par jour.
 
Quand le téléphone sonne, je le porte à mon oreille
sans dire bonjour. Au restaurant
je montre du doigt la soupe de nouilles au poulet.
Je m’adapte bien aux nouvelles conditions.

Tard la nuit, j’appelle mon amour à distance,
dis fièrement Je n’en ai utilisé que cinquante-neuf aujourd’hui.
J’ai gardé le reste pour toi.

Quand elle ne répond pas,
je sais qu’elle a utilisé tous ses mots
alors lentement je murmure Je t’aime
trente-deux fois un tiers.
Après ça, on ne fait que rester au bout du fil
et chacun écoute l’autre respirer.

Traduction inédite de L.C.
Jeffrey McDaniel, « The Quiet World » from The Forgiveness Parade© 1998 by Jeffrey McDaniel. Reprinted with the permission of Manic D Press.

 

L’Américain Jeffrey McDaniel écrit des poèmes comme l’enfant nourrit un crocodile dans son placard. Ses six recueils parus ont la fraîcheur cruelle d’un surréalisme sans bobards. Passé par le slam, il reste ce fœtus qui a appris à lire en déchiffrant les graffitis de l’utérus maternel. Au cœur du monde moderne, avec le même besoin d’amour. 

 

 

 

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