Quotidienne

Face à l’urgence climatique, un appel au sabordage

Tous les vendredis, le 1 vous propose de lire un extrait d’un essai en lien avec notre numéro de la semaine. Aujourd’hui, Comment saboter un pipeline, d'Andreas Malm (éditions La Fabrique). 

Face à l’urgence climatique, un appel au sabordage

Chercheur en géographie humaine et militant écosocialiste suédois, Andreas Malm appelle les activistes du climat à monter d’un cran et à être plus offensifs, arguments historiques à l’appui. Extrait de Comment saboter un pipeline, paru aux éditions La Fabrique en 2020.

 

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Rompre le charme

À l’époque de la COP1, peu de gens auraient pensé que deux ou trois décennies plus tard, les économies du monde émettraient près d’une gigatonne de carbone chaque mois et que les grandes compagnies travailleraient activement à l’augmentation de la capacité de combustion d’énergies fossiles, sous l’égide, fière ou passive, des gouvernements. L’absence de réaction face à la crise a dépassé toutes les attentes. Tout comme, non moins fatalement, la réaction du système climatique : à l’époque de la COP1, peu de scientifiques prévoyaient qu’en si peu de temps, la terre et les océans cesseraient de parvenir à absorber les gaz émis et se mettraient eux-mêmes à dégager du dioxyde de carbone et du méthane dans les proportions qu’on connaît désormais (1). Ainsi, la zone septentrionale du pergélisol est un réservoir souterrain de carbone congelé depuis des centaines de milliers d’années (2). Quand la planète se réchauffe, le sol commence à dégeler, les microbes à agir sur la matière organique et à la décomposer, libérant du dioxyde de carbone et surtout du méthane – un gaz produisant un effet de serre 87 fois plus puissant pendant ses deux premières décennies dans l’atmosphère –, un processus dont on observe actuellement une accélération bien supérieure aux prévisions. Les feux de forêt ont le même effet (3). Le carbone enfermé « dans les arbres et le sol s’échappe au passage des incendies, qui sont désormais plus fréquents, plus longs, plus intenses, touchant de plus vastes territoires, les feux primaires des combustibles fossiles allumant des feux secondaires du Kamtchatka au Congo. Les scientifiques ont un temps de retard par rapport à ces mécanismes de rétroaction positive qu’ils ont bien du mal à faire rentrer dans leurs modèles. Les budgets carbone sont loin de les avoir totalement intégrés, sans quoi ils se resserreraient encore davantage : en tenant compte du dégel du pergélisol, de la prolifération des feux de forêt et d’autres mécanismes, il resterait encore moins à émettre à une humanité qui souhaiterait rester en deçà de 1,5 °C, 2 °C ou tout autre seuil de réchauffement (4).

Nous sommes donc pris entre deux lames de ciseaux : l’une, l’inflexible business-as-usual, qui porte les émissions toujours plus haut, confondant tout espoir de réduction ; l’autre, les délicats écosystèmes qui s’effondrent – l’extraordinaire inertie du mode de production capitaliste r

02 décembre 2022
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