« Quand on a un cancer du sein, c’est octobre rose tous les mois »

La poétesse américaine Anne Boyer vient d’avoir 41 ans lorsqu’on lui diagnostique un cancer du sein. Elle retrace son parcours intime dans un essai, Celles qui ne meurent pas, et fustige une société consumériste qui a envahi nos systèmes de santé en privilégiant les symboles aux individus.

Dans cet extrait, elle brocarde le ruban d’octobre rose, mois où la lutte contre le cancer du sein est mise sous les projecteurs et déclinée en produits dérivés. Cet essai, publié chez Grasset en mars dernier, a obtenu le prix Pulitzer. 

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Quand on a un cancer du sein, c’est octobre rose tous les mois, et le vrai mois d’octobre est une saison en enfer. Le monde vire au rose sanguinaire sous l’effet des politiques de respectabilité comme si les victimes du cancer du sein étaient mortes à cause d’une mauvaise attitude, d’une surconsommation de saucisses ou de ne pas avoir cru sur parole l’oncologue à peine sorti de la fac. Quand ma chimiothérapie a semblé fonctionner, des gens m’ont dit qu’ils avaient toujours su que je survivrais, comme si j’étais spéciale et forte, contrairement aux autres.

Les forums en ligne tiennent le compte ininterrompu des pertes liées au cancer du sein. Les femmes postent leur histoire d’heureuse survivante qui entre dans le cabinet de son médecin pour des maux de tête et apprend qu’elle est en train de mourir d’un cancer métastatique agressif, une réponse à une question qu’elle n’a jamais posée. Les femmes disent au revoir aux groupes Facebook, aux listes de diffusion et aux forums, ou bien ce sont leurs compagnons/compagnes qui le font pour elles. Les femmes savent quand elles vont mourir, et c’est toujours trop tôt. Certaines feront tout pour vivre et en mourront.

Celles-ci ne sont pas les mortes méritantes. Les voitures de police à ruban rose et les menottes roses et les vêtements roses à m