Quotidienne

Les populismes en Europe de l’Est, vers « une démocratie sans liberté » ?

Tous les vendredis, le 1 vous propose de lire un extrait d’un essai en lien avec notre numéro de la semaine. Aujourd’hui, Le populisme en Europe centrale et orientale de Roman Krakovsky (éditions Fayard).

Les populismes en Europe de l’Est, vers « une démocratie sans liberté » ?

En écho à son nouveau numéro – « Populisme : peur sur la démocratie ? » –, le 1 vous propose de lire un extrait de l’essai de Roman Krakovsky, historien spécialiste de l’Europe de l’Est. Dans Le Populisme en Europe centrale et orientale, il présente une synthèse de l’évolution des populismes dans la région depuis le XIXe siècle, des mouvements agraires russes à Viktor Orbán.

Dans cet extrait, tiré de l’épilogue du livre, le chercheur s’interroge sur l’avenir de cette mouvance dans la région. Aujourd’hui alimentés par les inégalités économiques et par une histoire ethnique complexe, les différentes formations qui s’y rattachent sont cependant fragilisées par l’absence de stratégie commune et par le développement économique des territoires, appuyé par l’Union européenne.

 

***

 

À la place d’un patriotisme citoyen, optimiste et ouvert sur le monde, Orbán propose un nationalisme synonyme de repli sur soi et de crispations identitaires. En 2014, le Premier ministre hongrois offrait de réorganiser la société hongroise selon le principe que « tu ne dois pas faire aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». Il s’agit d’une déformation de la définition de liberté formulée par John Stuart Mill : « la liberté de l’individu doit être ainsi bornée : il ne doit pas se rendre nuisible aux autres », résumée parfois par « la liberté des uns s’arrête là où commence la liberté des autres ». Mill soumettait l’idée de restreindre la liberté individuelle afin de préserver d’autres valeurs que sont la justice, la sécurité ou l’égalité : il considère leur maintien comme tout aussi nécessaire pour la vie en société, car elles contribuent à préserver la liberté individuelle. Renoncer à une part de sa liberté pour protéger l’ensemble garantit de poursuivre sa vie telle qu’on l’entend. Pour Mill, dans ces conditions, l’individu participe pleinement à la mise en place des mécanismes qui conditionnent son existence et contribue par conséquent à déterminer ce qu’il est. Viktor Orbán dénature cette réflexion en renvoyant dos à dos la liberté de l’individu appartenant à la nation et la liberté des autres, où l’avance de l’une signifierait le recul de l’autre. Dans cette conception, il n’y a pas de place pour l’altérité, donc pour une société plurielle. En plaçant la nation au centre de l’organisation de l’État, les démocraties illibérales remettent en question les fondements mêmes du système démocratique : en conduisant à une démocratie sans liberté, elles ouvrent la porte aux autoritarismes.

« Les tentatives de construire une alliance illibérale centre-européenne réunissant les pays du groupe de Visegrad ont pour le moment échoué »

Enfin, il existe un danger que les démocraties illibérales parviennent à former une alliance et qu’elles soient ains

18 november 2022
Retour

Nous vous proposons une alternative à l'acceptation des cookies (à l'exception de ceux indispensables au fonctionnement du site) afin de soutenir notre rédaction indépendante dans sa mission de vous informer chaque semaine.

Se connecter S’abonner Accepter et continuer