Quotidienne

Législatives : la valse des candidats

Vincent Martigny, politiste

Les profils des candidats aux élections législatives sont révélateurs des transformations de la vie politique française. L'analyse du politiste Vincent Martigny, avant le premier tour des législatives ce dimanche. 

Législatives : la valse des candidats

Ils sont 6 293. 6 293 candidats au suffrage universel dans 577 circonscriptions, dont 539 sur le territoire hexagonal, 27 pour les outremers, et 11 pour les Français de l’étranger. Un chiffre en baisse par rapport à 2017, l’accord de la Nupes expliquant en grande partie cette baisse, mais avec une stabilité relative si on le compare à 2012. Et parmi ces prétendants au suffrage, on trouve de tout ! Des professionnels de la politique comme des amateurs, ceux qui se préparent depuis des mois et ceux qui ne font rien pour être élus, voire qui font tout pour ne pas l’être.

Évoquons, pour le plaisir de l’anecdote, le cas de celui qu’on surnomme « le dépeceur de Montauban », un ancien détenu qui a passé vingt-quatre ans en prison pour avoir tué et démembré un homme, qui se présente aujourd’hui en promettant d’interdire aux titulaires d’un casier judiciaire le droit de se présenter à une élection, à commencer par lui-même… Original ! Ou encore ce candidat de la majorité présidentielle qui, voyant qu’on lui opposait un autre candidat d’Ensemble, a décidé, par fidélité à Emmanuel Macron, de barrer ses affiches d’un « Ne votez pas pour moi ! » explicite…

Tous ces candidats nous en disent long sur certaines permanences de la vie politique française

Mais au-delà de ces cas exceptionnels, rappelons d’abord que les deux tiers des candidats se présentent sans étiquette ou sont issus de petites formations, et ne sont pas des professionnels de la politique : on y retrouve des membres de collectifs citoyens, du parti pirate, des militants d’extrême gauche ou d’extrême droite, des régionalistes ou des écologistes de terrain… Bref, on ne peut être qu’impressionné par le nombre de nos concitoyens qui souhaitent se mettre au service de l’intérêt général, alors même que la méfiance envers les parlementaires n’a jamais été aussi haute.

Tous ces candidats nous en disent long sur certaines permanences de la vie politique française. La première est une bonne nouvelle : c’est la confirmation de la percée des femmes à l’Assemblée. Celles-ci représentaient 42 % des candidats en 2017, et sont 44 % aujourd’hui. 39 % de l’Assemblée élue en 2017 était des femmes, un record qui devrait être maintenu, voire amplifié. Les femmes deviennent, en somme, des hommes politiques comme les autres.

Autre sujet de permanence, la question du renouvellement de l’Assemblée et des sortants. En 2017, 220 députés avaient renoncé à se représenter et s’étaient retirés de la vie politique. Ils ne sont que 136 aujourd’hui. En cause : l’implantation du parti présidentiel, dont les élus prennent goût aux responsabilités. Près de 207 députés LREM – les petits nouveaux d’hier – sont candidats à leur réélection.

Mais le paysage des candidats nous informe surtout sur les possibles transformations de notre paysage politique, augurant des rapports de force à l’issue du premier tour.

Trois blocs se dégagent parmi les candidats qui devraient se qualifier pour le second tour : la Nupes et la coalition Ensemble de la majorité présidentielle d’une part, qui constitueront l’essentiel des duels pour le second tour. Dans une moindre mesure, le RN, qui devrait être en mesure de défendre ses couleurs dans ses fiefs historiques du Nord et de la région Paca, sans certitude exacte sur ses capacités à percer dans le reste du pays à l’issue du premier tour. En effet, la règle qui établit un seuil de qualification des candidats au second à 12,5 % des inscrits porte la barre bien haut pour les militants frontistes dans un contexte de faible mobilisation électorale.

Pour la gauche, la question des dissidences socialistes et de la concurrence d’une offre politique sociale-démocrate concurrente de la Nupes va jouer un rôle essentiel dimanche soir. Combien d’opposants de gauche à la Nupes pourront se qualifier, et que feront-ils au second tour en cas de duel Nupes-Ensemble ? La réponse à cette question est assurément l’une des clés du scrutin pour cette famille politique.

Les partisans d’Emmanuel Macron iront-ils sauver le président d’une possible cohabitation ?

Pour la majorité présidentielle, la question est celle de la démotivation éventuelle, après une campagne sans ressort ni véritable projet lisible. D’où cette inquiétude parmi les marcheurs : les partisans d’Emmanuel Macron iront-ils sauver le président d’une possible cohabitation ?

Pour le RN enfin, la question est de nature similaire : comment motiver des électeurs populaires qui ont tendance à moins voter en dehors de l’élection présidentielle à se déplacer, et ce alors que Marine Le Pen elle-même a reconnu que la victoire de son camp était impossible ?

Tous ces enjeux soulignent que la mère de toutes les batailles se trouve ailleurs que dans le combat d’idées : il s’agit de la participation électorale, que les prévisions estiment aujourd’hui autour de 46 %, soit le score le plus faible de l’histoire de la Cinquième République. Sans participation, pas de légitimité pour la famille politique appelée à diriger le pays, et surtout la promesse de conflits sociaux démultipliés… Pour enrayer ce mal démocratique, un seul mot d’ordre : au vote !

11 juin 2022
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