À la Goutte d’or, elle écoute la rue
Séverine Bourguignon écoute les passants du 18e arrondissement de Paris. Une consultation de quarante minutes, sur un trottoir. Alors que la France compte les voix, Zadig s’intéresse à ceux et celles qui leur prêtent oreille.
Il est midi, le soleil d’avril éblouit la Goutte d’or. C’est ici, au carrefour de la rue des Poissonniers et de la rue Polonceau, dans le 18e arrondissement de Paris, que Séverine Bourguignon, artiste et thérapeute, installe les chaises des « écouteurs de rue » – des bénévoles formés aux métiers de l’écoute, qui proposent des consultations aux passants. Des années durant, ces mêmes trottoirs étaient recouverts de tapis : par manque de place, les fidèles de la mosquée rue Polonceau priaient dans les rues. Détruite en 2011, la mosquée en préfabriqués a laissé place à une friche, mais le lieu est toujours chargé de spiritualité. Ici, les trampolines côtoient les potagers, les coqs chantent, un carré de verdure inespéré au milieu des sirènes du boulevard Barbès.
« Qu’est-ce qu’on a à se dire ? », est une question que Séverine entend souvent, avant que la discussion s’amorce. Une question cruciale dans une France fracturée. Au milieu de la cacophonie des voix, Zadig laisse la place à celles et ceux qui écoutent, pour redonner leur sens aux mots.
À quoi ressemble votre France ?
Je suis arrivée en 1995 à Paris, et je vis dans le 18e arrondissement depuis quinze ans. Je connais bien le quartier, il a des allures de village, les gens s’interpellent. Mes parents sont originaires de l’Aube et de la Champagne, mais mon père, qui était mécanicien dans l’aéronautique, chez Eurocopter, a vite demandé des missions d’expatriation, alors j’ai beaucoup vécu à l’étranger. Je suis née à Dax mais j’ai passé de mes 4 à mes 8 ans à Djibouti. On est ensuite allés au Nigéria, en Indonésie… J’ai appris à percevoir la France à travers ce
