Quotidienne

Marc, détectoriste : « J’ai trouvé tout ce qu’on peut imaginer trouver »

Emma Flacard, journaliste

[La France vue d’en bas 2/3] Marc Houzé est passionné par la détection de métaux. Il scrute les profondeurs sablonneuses des plages landaises pour retrouver des objets égarés. Chevalière, montre, objet antique… Il énumère à Zadig ses trouvailles et raconte l’émotion qui le prend lorsqu’il restitue les objets à leurs propriétaires. 

Marc, détectoriste : « J’ai trouvé tout ce qu’on peut imaginer trouver »
Marc Houzé

Chercher sous le sable, dans des lacs, dans l’océan. Connaître les marées par cœur, anticiper les déplacements du sable et tomber sur une bague perdue, des années plus tard. Trouver, un jour ordinaire de détection, des objets de trois mille ans dans un lac landais. Marc Houzé, détectoriste, pratique sa passion depuis trente ans, et préside l’association « L’Amicale Détection Landes Gascogne » depuis 2008. Pour cet électronicien à la retraite, les kilomètres ne comptent pas : il sillonne le sud du territoire aquitain, son détecteur de métaux haut de gamme en main, à la recherche de médailles de baptêmes, de pièces agricoles ou de montres.

 

À quoi ressemble votre France ?

Mon père était gendarme, il travaillait au maintien de l’ordre en Algérie, c’est là que je suis né, en 1959. On a ensuite beaucoup déménagé, à Nancy, dans un village en Moselle, puis un autre en Meurthe-et-Moselle… À 20 ans, je suis entré dans l’armée de l’air, alors là j’ai beaucoup voyagé. J’ai vécu à Nîmes, à Rochefort, à Taverny, où j’ai vraiment commencé mon boulot en tant qu’électronicien, puis informaticien, et j’ai travaillé sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, avec les contrôleurs aériens militaires. J’ai ensuite été envoyé à Vélizy-Villacoublay, avant d’arrêter. Ça fait maintenant trente ans que je vis dans les Landes, on habite une maison à Lencouacq, au milieu de la forêt. J’aime les lacs landais, Sanguinet, Biscarosse, Parentis… Ces lacs translucides sont très beaux. Je prends vraiment plaisir à faire de la détection ici : voir le disque passer dans 40 centimètres d’eau, quand l’objet perdu apparaît au milieu du sable… C’est le bonheur. Comme je dis, faire de la détection c’est le plaisir de trouver, la joie de trouver et le bonheur de restituer !

 

Comment êtes-vous arrivé là ?

J’ai découvert la détection quand j’étais dans l’armée de l’air, j’avais essayé de fabriquer un détecteur moi-même, mais ça m’avait donné un peu de mal. Et plusieurs années plus tard, alors que j’aidais un collègue agriculteur dans les Landes, la chaîne que je portais au cou s’est brisée et il m’a conseillé d’aller voir un bûcheron qui possédait un détecteur de métaux. J’ai vraiment commencé comme ça. J’en ai acheté un premier, puis un deuxième, un troisième, etc., jusqu’à celui que j’ai maintenant, qui est étanche, possède un GPS et un écran couleur !

Le détecteur Minelab CTX 3030 qu'utilise Marc. © Marc Houzé. 

L’association « L’Amicale Détection Landes Gascogne » a été créée en 2002 par André Vazquez, l’actuel vice-président, et je suis arrivé en 2003. J’étais au secrétariat au début, avant de prendre la présidence en 2008. Je me suis tout de suite attaché à être en lien avec le service régional archéologique de Bordeaux, et à respecter la réglementation. Chercher volontairement de l’ancien quand on a un détecteur, c’est être hors-la-loi. Aujourd’hui, on est 22 membres actifs dans l’association, et on reçoit beaucoup de demandes d’adhésion qui viennent de l’extérieur des Landes. Notre but, c’est vraiment de démocratiser cette pratique, dans le respect de la réglementation (ne pas détecter sur des sites historiques, demander l’autorisation des propriétaires pour détecter dans leur champ…).

Ça fait maintenant presque vingt ans que je suis dans l’association, et on a bien fait évoluer nos méthodes : on s’échange entre nous les informations concernant les objets perdus, on les informatise. Au début, on allait sur les plages de Vieux Boucau et Messanges, et petit à petit, on a augmenté le périmètre, toujours en lien avec les mairies de la côte, on s’adapte à leurs protocoles. Chaque année, en début de saison, je leur écris pour leur rappeler nos interventions « objets perdus », elles nous autorisent à venir et transmettent l’information à la police, aux maîtres-nageurs, aux offices de tourisme… C’est comme cela que nous sommes appelés. Maintenant, on a des membres sur toute la côte landaise, de la dune du Pyla à Capbreton, en passant par Seignosse.

La mer, année après année, pousse les bijoux échoués dans le sable, et parfois après une tempête, on peut en retrouver

Depuis 2003, on a restitué plus de 725 objets : des montres Cartier, des Rolex parfois, des bagues… L’autre jour, on m’a appelé pour une médaille à Andernos, perdue en jouant dans l’eau. C’était à 100 kilomètres de chez moi, mais personne dans l’association n’était disponible, alors j’y suis allé. J’avais calculé que la marée serait basse à 2 heures du matin, le monsieur m’avait envoyé le point GPS approximatif de l’endroit où il avait perdu la médaille, et on a cherché à 23 h 30, dans 40 centimètres d’eau, à la lampe frontale. J’avais tout quadrillé, et une heure plus tard, j’ai retrouvé la médaille. Le gars était vraiment ému, ça faisait 53 ans qu’il l’avait !

On cherche tout type de choses : des appareils auditifs, des dentiers, des pièces agricoles perdues dans un champ, des bornes cadastrales… Une année, un agriculteur nous a appelés parce qu’il avait perdu une pièce de son semoir, alors qu’il était en train de semer son maïs. On a un peu « sauvé » sa récolte cette année-là ! Parfois aussi, on retrouve des objets des mois, voire des années plus tard. La mer, année après année, pousse les bijoux échoués dans le sable, et parfois après une tempête, on peut en retrouver. Mais c’est très exceptionnel. Il faut être au bon endroit au bon moment.

Ma découverte la plus insolite était celle de haches vieilles de trois mille ans

Par principe, on fait ça gratuitement, on se déplace avec notre matériel, et quand on arrive sur place et qu’on retrouve l’objet en question, on demande si on peut faire une photo, ça nous fait notre pub, on la met sur notre site internet ou notre page Facebook. Et s’ils veulent, ils peuvent nous faire des dons. Ça peut aller de 5 euros à 300 euros, et parfois rien. Ces dons vont directement à la trésorerie de l’association, et nous permettent de nous faire, tous les ans, un repas de fruit de mer tous ensemble, dans la salle communale de mon village. On fait aussi une sortie orpaillage, vers Saint-Girons, en Ariège, pour chercher des paillettes d’or.

 

Quel est l’objet le plus insolite que vous ayez découvert ?

Je pense que la découverte la plus insolite était celle de haches vieilles de trois mille ans, en 2015. Nous étions à la fin du mois d’octobre, j’étais dans un lac à Léon, un petit village près de Castets, où quelqu’un avait perdu une alliance l’année précédente, et je repassais la zone au peigne fin à l’aide de flotteurs. J’entends soudain un son particulier, un « bon » son comme on dit, l’oreille du détectoriste sait déceler la quantité de fer, la longueur ou encore la conductibilité du métal en fonction du son. Le son était compact, celui d’un métal noble. J’ai alors commencé à creuser avec un extracteur, mais le manche en bois a lâché. J’y suis retourné quelques jours plus tard et j’ai réussi à sortir cette hache en bronze, qui datait de 1200 av. J.-C. Et ça sonnait encore sous le sable, alors j’ai appelé les archéologues. Le jour même, j’avais trouvé trois haches sur le même site ! J’ai protégé moi-même le site avant que les archéologues valident la zone et finissent les fouilles. Au total, on a trouvé trente haches, qui sont maintenant conservées. Tout le processus a démarré plusieurs années ! J’ai été considéré comme « l’inventeur » de ce trésor.

 

Que souhaiteriez-vous voir changer ?

Mon combat, c’est de faire en sorte que les utilisateurs de détecteurs soient plus respectueux de la réglementation et que l’on puisse mieux collaborer avec les archéologues. On peut travailler ensemble. J’ai eu des autorisations préfectorales pour faire des recherches, l’année dernière par exemple on a fait une recherche sur un lieu de bataille de l’époque de Jules César, qui n’avait encore jamais été localisée. J’ai eu une autorisation pendant trois ans pour rechercher des objets pouvant se rattacher à cette bataille, comme des pièces de monnaie. Mais attention, lorsque l’on fait des recherches de ce type, on ne donne jamais de renseignements précis, pour éviter que des gens mal intentionnés viennent se servir.

 

Êtes-vous arrivé à bon port ?

Oui. Au niveau détection, j’ai trouvé tout ce que l’on pourrait imaginer pouvoir trouver. Je trouve des monnaies magnifiques qui sont ensuite étudiées et sauvegardées, je fais des recherches de biens familiaux dans des grandes maisons… Je ne garde rien, ce n’est pas mon but. Quand on est détectoriste, on transmet des informations pour les générations futures, on sauve le patrimoine, en quelque sorte. J’ai un seul souhait, c’est de pouvoir faire des recherches dans un château. Ce serait l’apothéose.

 

La question que vous aimeriez poser au président de la République : Comment mieux prendre en compte le loisir de la détection, le faire connaître comme un outil d’aide à la recherche, à l’histoire, au patrimoine ? Pourrait-on assouplir la réglementation pour que l’on ne soit plus vus comme des pilleurs ?

Le dernier livre lu : Je suis en train de lire L’Ultime secret du Christ, de José Rodrigues Dos Santos.

Le dernier film vu : Je dirais un des Star Wars. J’adore les films d’actions, j’ai toujours été un passionné des Star Wars, et j’aime les Marvel aussi. Finalement, j’aime bien les films dans lesquels des gens protègent les autres.

Le dernier artiste musical écouté : Je ne suis pas du tout mélomane, je ne dis pas que je chante faux parce que je ne chante jamais. J’aime beaucoup « La Montagne », de Jean Ferrat.

La dernière recherche internet : Je fais souvent des recherches orthographiques. Quand j’écris un compte-rendu par exemple, je prends le soin de bien vérifier l’orthographe, et je choisis le vocabulaire adapté, pour trouver le mot qui représente le mieux ce que je veux dire.

 

La France vue de ma fenêtre

Lencouacq, Landes, 376 habitants

 

La France vue d’en bas, second chapitre de la série d’été de la chronique « Ils font la France », à retrouver tous les mardis sur l’application et le site internet du 1 hebdo.

 

 

16 août 2022
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