Marche arrière
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À l’occasion du premier confinement, au printemps 2020, les discussions allaient bon train sur le monde d’après. Santé publique, mondialisation, inégalités, intelligence artificielle, transition énergétique… Les sujets ne manquaient pas pour les aspirants à la fonction présidentielle. Vingt mois plus tard, la précampagne élyséenne avance en marche arrière sous l’effet d’un candidat putatif qui, pour mieux justifier la guerre qu’il prétend mener à l’islam, revisite notre histoire, depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la guerre d’Algérie : vingt et un siècles passés au crible du culte du chef, de la raison d’État et du devoir impératif des minorités de s’assimiler ou de plier bagage.
Appliquant les méthodes trumpistes de la transgression et du coup d’éclat permanent, Éric Zemmour s’impose en sidérant mais, sur le fond, ses révisions historiques ne sont pas nouvelles, nous explique l’historien Nicolas Roussellier. Dans la foulée de ses inspirateurs monarchistes, Jacques Bainville et Charles Maurras, il ripoline une « histoire capétienne », traçant une continuité depuis les « quarante rois qui ont fait la France » jusqu’à De Gaulle, en passant par Richelieu et Bonaparte. Dans un texte inédit, l’intellectuel américain Adam Shatz estime que Zemmour est le symptôme d’un « chaos français », caractérisé par des tendances xénophobes qui auraient gagné jusqu’à « des intellectuels et des politiques mainstream ».
Mais au fait, existe-t-il un goût français pour la polémique mémorielle ? Dans le grand entretien qu’elle nous a accordé, l’historienne Claire Andrieu revient sur ces discordes « politico-historiques » qui nous opposent depuis deux siècles, d’abord à propos de la Révolution française, et désormais au sujet de la Seconde Guerre mondiale. Depuis le début des années 2000 se sont imposés de nouveaux sujets d’affrontements (l’histoire de l’esclavage, de la colonisation, des migrations).
Johann Chapoutot analyse, lui, les bouleversements de l’écriture de l’histoire au présent, les grands récits ayant été remplacés par une multiplicité de discours fractionnés et conflictuels, parmi lesquels le refrain « catastrophiste voire apocalyptique » d’Éric Zemmour. Est-il possible néanmoins que l’histoire redevienne un sujet de débats et non d’anathèmes ? Après tout, des « parleurs d’histoire », de la gauche à l’extrême droite (Alain Decaux, André Castelot, Stellio Lorenzi, Jean-François Chiappe), ont réussi à confectionner ensemble des émissions radiotélévisées de grande qualité. C’était dans les années 1960, autant dire il y a une éternité !
« Réécriture et révision de l’histoire ne signifient pas révisionnisme »
Claire Andrieu
« Avec lui [Éric Zemmour], on approche de la fiction. On a un rhéteur, un homme emporté par sa plume alerte et très acerbe. Sur Dreyfus ou Vichy, il est dans l’imaginaire. » L’historienne revient sur la place qu’occupe l’histoire dans le débat public français et le rôle que peuvent y jouer les hi…
[Grand H]
Robert Solé
Chaque année, des pétitions circulent sur Internet pour dénoncer la difficulté d’une épreuve du baccalauréat, réclamer son annulation ou un assouplissement des critères de notation.
« Nous sommes orphelins de discours »
Johann Chapoutot
« Les récits décliniste et messianique sont intimement liés, ce sont les deux faces d’une même médaille. » L’historien, qui vient de publier Le Grand Récit aux PUF, analyse la façon dont la fragmentation de notre vision de l’histoire et le confusionnisme des discours politiques alimenten…