Putschistes et associés

Lorsque les généraux nigériens s’emparent du pouvoir, le 26 juillet 2023, ils ne tardent pas à recevoir le soutien de deux de leurs proches alliés au Sahel : le Mali et le Burkina Faso. L’armée du premier a mené deux coups d’État – en août 2020 puis en mai 2021 –, comme celle du second – en janvier puis en septembre 2022. Dans ces trois pays, les putschistes ont affiché très vite un discours antifrançais.

 

Au Sahel, la débâcle de l’opération Barkhane

Le 17 juillet 2022, Emmanuel Macron, en visite au Mali, annonce la fin de l’opération Barkhane. Lancée huit ans plus tôt, cette intervention militaire française au Sahel devait y éradiquer, ou au moins y affaiblir, la présence du djihadisme radical. Elle a abouti à un fiasco. Depuis, les généraux maliens et burkinabés ont exigé et obtenu le retrait des forces françaises de leurs pays. Le nouveau pouvoir nigérien a fait de même. Paris a refusé ; puis a accepté de négocier un retrait militaire.

Le Nigeria, futur roi du pétrole ?

Le pays le plus peuplé d’Afrique (220 millions d’habitants selon les estimations) est aujourd’hui le 5e producteur d’hydrocarbures de l’Opep, ce qui lui confère le plus fort PNB du continent. Pétrole et gaz fournissent 40 % du PIB du pays, 90 % de ses exportations et contribuent pour 75 % à son budget. De la Côte d’Ivoire à l’Angola, la côte atlantique de l’Afrique (Nigeria, Cameroun, Congo, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale…) pourrait, selon certains pronostics, bientôt occuper une place plus prépondérante sur le marché des hydrocarbures.

Vieux contingents et nouveaux acteurs à Djibouti

La France détient quatre bases militaires permanentes : à Djibouti, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Ailleurs, elle entretenait jusqu’à récemment sept autres contingents (Tchad, Niger, etc.) Les États-Unis, eux, comptent seize bases, la plupart mobiles. Aujourd’hui, divers États cherchent à s’installer sur le continent. Cas d’espèce, Djibouti, situé en un lieu stratégique, accueille des bases française, étatsunienne, allemande, espagnole, italienne, nippone, et, depuis peu, chinoise. Russes, Iraniens, Israéliens, Turcs, Saoudiens, Émiratis et certains autres disposent de points d’ancrage ou cherchent à en développer autour la Corne de l’Afrique.

 

Addis-Abeba, son aéroport, ses bénéfices…

De source chinoise, Pékin, en vingt ans, a massivement investi dans l’extraction minière, construit 100 000 km de routes et 10 000 km de rails en Afrique, rebâti des quartiers urbains et construit des aéroports. En finançant le triplement de sa capacité d’accueil, elle a fait de l’aéroport d’Addis-Abeba le grand « hub » africain vers la Chine. Selon le FMI, l’Éthiopie sera le 4e pays le plus riche d’Afrique en 2026 (il était le 10e il y a dix ans). Mais avec le système chinois, les travailleurs locaux bénéficient très peu de ces retombées.

 

Mombasa, symbole des ambitions chinoises

À Mombasa (Kenya), sur l’océan Indien, la Chine a financé le plus grand terminal portuaire d’Afrique. Au Cameroun, sur la côte atlantique, elle a construit à Kribi le plus grand port en eaux profondes du continent. En septembre 2020, un rapport du CSIS, un think tank stratégique américain, identifiait 46 ports africains acquis par la Chine ou dans lesquels elle a massivement investi, surtout sur la côte est. Entre-temps, celle-ci est devenue le premier partenaire commercial des Africains.

 

Le Congo-Kinshasa, archétype du paradoxe africain

La République démocratique du Congo est le pays le plus riche en ressources de tout le continent. Elle dispose de la plus grande forêt tropicale au monde, de minerais et de gisements innombrables (cuivre, cobalt, plomb, uranium, or, diamants, etc.), de terres arables à profusion, d’un potentiel électrique fluvial gigantesque. Et pourtant, depuis soixante ans, ses dirigeants, tous corrompus, en ont fait le 4e pays le plus pauvre d’Afrique en PIB par habitant. Seuls le Soudan du Sud, le Burundi et la Somalie sont moins bien lotis.

 

Wagner à Bangui

Après la liquidation de leurs dirigeants par Vladimir Poutine, les miliciens de Wagner resteront-ils en République centrafricaine, qu’ils ont transformée en leur quartier général africain ? Ils sont présents au Mali, au Soudan, au Niger et en Libye. Des rumeurs les voient également au Mozambique, au Tchad, en République démocratique du Congo, au Zimbabwe, à Madagascar et au Nigeria. Ces mercenaires protègent les dirigeants des pays et se paient sur leurs ressources minières.

 

 

Sources
X. Auregan, « Déconstruire la cartographie des relations sino-africaines : le cas des ports », Revue internationale des études de développement, no 252, 2023 ;
D. Moussa Dembélé, « Ressources de l’Afrique et stratégies d’exploitation », La Pensée, no 381, 2015 ;
Tristan Gaudiaut, « L’Afrique, grand pourvoyeur de matières premières », Statista, 12 mai 2022 ;
Gorée Institute, « Rapport final : monitoring de la stabilité institutionnelle au Sahel », 2021 ;
C. Loïzzo, « Des ports chinois en Afrique, vitrine d’une stratégie globale », Diplomatie, no 115, mai 2022 ;
J.-B. Onana, « Afrique : les bases militaires de la discorde », Politique internationale, no 167, printemps 2020 ;
La plupart des données statistiques sont issues de multiples sources croisées figurant sur Wikipedia.

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !