Les dieux anciens ne font pas germer les larmes, regrette Philippe Jaccottet. Mais dans l’air limpide de l’hiver, les mots aussi semblent légers. On dirait qu’ils apaisent le silence ; on peut rêver d’y trouver une clef dorée, tant que la neige « s’allume contre le mur telle une lampe froide ».  

Sur tout cela maintenant je voudrais
que descende la neige, lentement,
qu’elle se pose sur les choses tout au long du jour
– elle qui parle toujours à voix basse –
et qu’elle fasse le sommeil des graines,
d’être ainsi protégé, plus patient.
 
Et nous saurions que le soleil encore,
cependant, passe au-delà,
que, si elle se lasse, il reviendra même un moment
visible, comme la bougie derrière son écran jauni.
 
Alors, je me ressouviendrais de ce visage
qui demeure, lui aussi, derrière
la lente chute des cristaux humides,
qui change, avec ses yeux limpides ou en larmes,
impatiemment fidèles…
                                                        Et, caché par la neige,
de nouveau j’oserais louer leur clarté bleue.

Extrait d’À la lumière d’hiver © Éditions Gallimard, 1977. 

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