Je n’ai pas l’ambition de dresser un tableau de la société. L’enjeu serait trop fort, trop vertigineux. Quand j’ai une chanson en chantier, j’essaye toujours de rester de ma fenêtre, de garder mon point de vue personnel. Mes congénères m’intéressent, la société m’interpelle et me donne envie d’écrire, mais je pars toujours d’une émotion intime pour ensuite ouvrir sur une situation, une personne, une forme de relation qui me touche, ou me choque, me donne envie de réagir et de faire changer les choses.

Je me sens en empathie avec les gens qui m’entourent. J’ai parfois l’impression de vivre les choses par procuration en observant le monde. La chanson 1984, par exemple, évoque nos difficultés à communiquer aujourd’hui, nos dépendances aux écrans. Mais ce n’est peut-être pas évident de comprendre le message, il n’est pas transparent. Je ne veux surtout pas tomber dans le « commentaire social ». C’est précisément ce qui m’agace parfois dans le rap. Je déteste qu’on me donne des leçons, que ce soit en littérature, au cinéma ou en chanson.

Robert Doisneau disait : « Suggérer, c’est créer. Décrire, c’est détruire. » La description me semble inutile. Je préfère les petites touches subtiles qui amènent le public à sa propre interprétation. Ne rien imposer.

Si je pense par exemple à ma chanson Quand c’est non c’est non, j’ai clairement voulu porter un message féministe fort, réagir. Je l’ai écrite avec l’envie d’en découdre. Elle vient d’une colère, mais sa forme, pourtant, n’est pas du tout rageuse. C’est presque une comptine. Bien sûr, j’exprime avant tout un ras-le-bol, qui nous concerne toutes, au sujet de la façon dont les femmes sont très régulièrement méprisées, humiliées, agressées. Mais je n’avais pas envie de chanter le poing levé. Je ne veux pas d’agressivité gratuite. Je fais de l’artistique, pas de la politique !

Je n’aime pas l’idée d’une « efficacité » du message. Ce que je cherche avant tout, c’est l’émotion. Elle va de pair avec du contenu, du fond, des chansons plus ou moins engagées. Et je suis convaincue que cette émotion-là est nécessaire à notre société. 

G.T.

 

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