C’était il y a des années, au micro de France Inter. Pierre Barouh racontait son goût pour la bossa-nova qu’il était allé chercher au Brésil en sortant du ventre d’un cargo, au début des années 1960. L’auteur d’À bicyclette avait rencontré les pères fondateurs de cette musique nouvelle, le chanteur João Gilberto, le compositeur Tom Jobim et le poète diplomate Vinícius de Moraes, sans oublier Baden Powell. Il était question de rythmes, du mariage du jazz et de la samba. Il était question de liberté affirmée, d’une sensualité qui prenait les traits et les formes de La Fille d’Ipanema. Il était aussi question de la dictature militaire au Brésil qui s’était installée dans la violence en 1964. Évoquant ce régime brutal, Pierre Barouh avait alors prononcé une petite phrase qui disait tout de la bossa-nova, tout de ce qui fait que depuis toujours on chante, même si on ne sait pas toutes les paroles, même si on poursuit avec des la-la-la. « On n’arrête pas une chanson », fit-il de sa voix douce et résolue. Ces quelques mots ont fait leur chemin dans mon esprit. Une chanson peut être un acte de résistance. Même si elle parle d’amour. Surtout si elle parle d’amour. Barouh s’est tu en 2016. Mais il reste cette formidable confiance dans ce que Gainsbourg feignait de prendre pour un art mineur. La chanson raconte, la chanson témoigne, la chanson propose ou s’oppose. « Comme au passant qui chante on reprend sa chanson », écrivait Aragon repris par Ferrat. Un couplet, un refrain, et la vie continue, et les hommes sont plus humains. 

Illustration : Mouvements, Hayet Aoudjhane, 2006 © Hayet Aoudjhane / La Collection

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