Vous distinguez la culture du débat et la culture de la guerre. À quand remonte la première ?

Dans l’histoire de l’humanité la culture de la guerre est la règle, la culture du débat, l’exception : on ne la rencontre que dans les derniers siècles de notre histoire, et à l’échelle de quelques régions du monde. À cette aune-là, on mesure sa fragilité. La culture du débat est la fille d’une modernité politique qui se met en place, en Occident et pas ailleurs, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. La Réforme protestante a joué dans ce processus un rôle décisif. Le dogme luthérien du « sacerdoce universel », qui fait de chaque fidèle un prêtre, ouvre une brèche abyssale. La multiplicité des églises protestantes a relativisé le rapport à ce qui comptait le plus au monde à cette époque, le rapport au religieux.

 

Le pays en pointe pour débattre, c’était donc l’Angleterre protestante ?

Les « Provinces-Unies » (actuels Pays-Bas) l’ont précédée, sur les mêmes bases. Leur vocation marchande a fait le reste : le « commerce » est l’autre nom du dialogue. Mais la distinction a été toute politique. La « Glorieuse Révolution » anglaise de 1688 – rappelez-vous que Mme Thatcher taquina Mitterrand en 1989 en lui disant que « sa » révolution » avait un siècle et un an d’avance sur la nôtre – n’était certes pas une révolution démocratique mais elle posait déjà durablement les fondements d’une société libérale, d’une société du débat, avec la première « presse » pluraliste et ce lieu de discussion politique qui s’appelait le Parlement. Les Lumières ont pour modèle politique le système britannique, et le sommet de la société de débat, à l’époque, est atteint dans les nouveaux États-Unis, où les Églises protestantes sont encore plus divisées qu’en Angleterre et où le libéralisme s’approfondit en démocratie libérale.

 

La Révolution française a-t-elle permis au débat de s’enraciner ?

La Révolution française n’est jamais que la quatrième des grandes révolutions de la modernité. Elle pousse plus loin la remise en cause religieuse – puisqu’au lieu de s’adosser comme les trois premières au protestantisme, elle s’oppose frontalement au catholicisme –, mais elle est, de ce fait, plus instable. En Fra

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