On connaît le mot de Sully : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France. » L’identité de notre pays se confondait avec cette geste paysanne, devenue agricole par les coups de baguette magique du progrès que furent, après 1945, la motorisation et la chimie. « Je produis, donc je suis », l’adage valait son pesant de viande, de blé ou de lait. Dans cette course au rendement où les hommes (et femmes) de la terre mirent leur raison d’être dans un tonnage, il s’agissait de nourrir la France, de lester sa balance commerciale, de construire une force de frappe dans les silos à grain. Les exportations de céréales se calculaient en équivalent Airbus. Un âge d’or. Si le monde agricole fait tant de bruit depuis l’été, c’est que le modèle est brisé. L’agriculture pèse moins dans la richesse nationale, les exploitants sont assommés de contraintes et sommés de produire toujours plus propre tout en vendant à vil prix. Leur désarroi nous interroge. Voulons-nous une agriculture vraiment compétitive, qui supposerait d’éliminer encore la moitié des paysans français et de pousser ceux qui resteront sur les voies du gigantisme ? Voulons-nous transformer cette profession en simple aménageuse des espaces et des paysages ? Dans cette économie suradministrée, la réponse suppose de redéfinir le rôle de l’État. Force est de constater son manque cruel de vision pour redonner souffle et espoir à une profession qui perd confiance en elle et finit par douter de sa légitimité à exister. 

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