En 2017, vous avez publié un ouvrage au titre évocateur et provocateur : Faire l’Europe dans un monde de brutes (rééd. Pluriel, 2019). La tâche n’est-elle pas encore plus difficile à présent ?

Si, car les fossés à l’intérieur de l’Europe se sont creusés, et les brutes sont encore plus brutales que je l’imaginais. On pensait de Trump qu’il tiendrait six mois et le voilà en position d’être réélu. Son influence sur la politique intérieure européenne est incroyable. Il est le promoteur d’une tendance nationaliste qui est devenue Italie first, Pays-Bas first, France first. Il a dédouané – au sens de légitimer –, des propos et des idées qui étaient considérés comme absurdes. Il est devenu une référence politique dans de grands pays européens, dont la France et l’Italie. Si Trump reste, la politique occidentale va radicalement changer, l’écart entre l’Europe et les États-Unis va se renforcer. L’Europe se tournera vers la Chine et l’Asie, j’en suis convaincu.

Trump, mais aussi Poutine, Xi, Erdogan. Quelles sont les conséquences de cette omniprésence des « brutes » ?

Leur pouvoir devient un critère important pour notre façon de choisir les responsables européens. Nous devons cesser de faire ces choix en regardant seulement notre nombril. 

Que voulez-vous dire ?

Entre juillet et octobre, l’Europe va devoir choisir les cinq visages qui doivent la représenter à la tête de ses principales institutions, comme le Parlement ou la Commission. Je suis opposé à ces choix a minima où on s’arrange toujours entre nous pour placer des gens qui ne dérangent pas les chancelleries. Ce serait mortel de poursuivre ainsi. Je m’oppose au principe du Spitzenkandidat, selon lequel le groupe arrivé en tête aux élections choisit la tête de l’exécutif européen. Ce monde de brutes qui nous entoure oblige à recourir à la méthode Draghi : celui-ci n’a pas été nommé à la tête de la BCE (Banque centrale européenne), parce qu’il était italien, mais parce que c’était le bon candidat pou

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