Dans leurs grands moments de liesse, les supporters du club de football Paris-Saint-Germain scandent en boucle : « Paris est magique ! » Et le slogan résonne telle une promesse, telle la certitude d’un bonheur présent. Rien n’est plus faux, hélas ! Les Parisiens ont perdu leur gaieté et leur gouaille, observées jadis avec envie par tous les visiteurs étrangers. Ils sont – et on peut le comprendre – maussades, pressés les uns contre les autres dans des transports en commun saturés, logés dans des appartements souvent mal conçus et trop petits. Les riches pestent contre l’incivilité ambiante, la saleté des rues et la pauvreté trop visible, les migrants et les sans-abri tentent de grappiller des miettes du festin, tandis que les classes moyennes – ou ce qu’il en reste – peinent à régler leurs loyers et à trouver des places en crèche pour leurs enfants. La magie n’est donc qu’un rêve.

Paris, cette ville admirable et admirée, est de plus en plus ressenti comme impossible à vivre.

Le 1 se propose justement de faire le point sur le vrai et le faux dans les principaux dossiers de la capitale : le logement, les transports (ce qu’il est convenu d’appeler à présent la mobilité), la pollution, la pression touristique, les poches de pauvreté, etc. À trois mois de l’élection municipale, nous proposons de prendre un peu de champ pour tenter de saisir la complexité d’une métropole atypique dont la population ignore le plus souvent qu’elle est l’une des plus denses au monde (plus de 21 000 habitants par kilomètre carré).

Deux hommes ont su la rendre vivable et heureuse.

Le baron Haussmann, qui ordonna de sabrer dans un tissu urbain encore moyenâgeux pour créer des avenues impeccables et les fameux immeubles… haussmanniens. Et l’ingénieur Fulgence Bienvenüe, qui dota Paris d’un réseau de métro électrique de 130 kilomètres. Tout est dit. Nous vivons encore, en 2020, sur l’héritage du grand urbaniste du XIXe siècle et du grand concepteur du métropolitain, au début du XXe siècle. Ils ont su rendre habitable une ville très dense, à la limite de la surpopulation. Où sont les Haussmann et les Bienvenüe du XXIe siècle ? Telle est la question.

Paris étouffe dans le cercle de son périphérique et dans des institutions obsolètes dont aucune n’a véritablement le dernier mot. Sur chaque grand dossier, la mairie, la préfecture de police, la région, le Grand Paris et l’État, qui entend veiller sur tout, mettent leur grain de sel, acceptent ou refusent leurs crédits. Ce qui fait dire au géographe Philippe Estèbe, dans l’entretien qu’il nous a accordé, que la municipalité parisienne possède paradoxalement « peut-être moins de pouvoir que la municipalité de Rodez ». Le trait incite à la réflexion. Peut-on encore gouverner Paris intra-muros sans avoir la main sur la petite et la grande couronne ? À l’évidence, non. Paris doit voir plus grand. 

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