Marche arrière !
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Le temps n’est pas galant homme, il efface, voilà tout. Avant que l’usure du pouvoir n’en ait dissipé l’abracadabrantesque, étonnons-nous donc une dernière fois de l’ascension de ce Jupiter brandissant la foudre d’escampette un jour de novembre 2016 et contraignant les professionnels du pouvoir et de la communication à le regarder s’éloigner, dos tourné à leur petit monde, suivi, tel le joueur de flûte du conte, d’un cortège enthousiaste de puceaux et de pucelles de la politique où se mêlaient tous les âges.
Tiens, d’ailleurs, où sont-ils, que pensent-ils, celles et ceux qui avaient d’abord labouré le pays, questionnaire en main, pour en faire remonter doléances et suggestions, impuissances et initiatives ? Sont-ils en demi-solde, prêts à ressortir leurs chaussures de marche dès la remobilisation en vue des élections européennes, puis pour les municipales ? Se demandent-ils comment un mouvement aussi ardent que le leur a pu finir en un défilé d’hologrammes à la tribune du palais Bourbon et en un agrégat d’ectoplasmes au gouvernement ? Restent-ils abasourdis devant le désordre des réformes, devant celles qui sont autant de pièges que l’exécutif se tend à lui-même avec une rare obstination, comme la suppression de la taxe d’habitation ou la régulation de la vitesse sur les routes départementales ? Sont-ils admiratifs devant tant de détermination sans jamais se souvenir qu’on ne change pas une société par décret ? Se satisfont-ils de voir une, ou plutôt des oppositions si pitoyables, si démunies ou si emphatiques qu’elles laissent le président occuper toute la scène et même les coulisses ? Acceptent-ils que les petits et les moyens riches – dans les rangs desquels tant d’entre eux figurent – deviennent les principales cibles fiscales des changements en cours, sans que rien laisse espérer que les fortunes les plus insensées constituées ces dernières décennies contribuent « à proportion de leurs ressources » à l’amélioration du sort de tous, ou que la lutte contre la fraude fiscale prenne un tour nouveau ? Voient-ils la France rurale devenir moins périphérique, alors que sous les noms de « modernisation » ou de « rationalisation », les vieilles politiques publiques continuent de la rendre exsangue ? Aperçoivent-ils quelque chose qui ressemble à une politique d’aménagement du territoire ? S’étonnent-ils qu’elle ne s’arrime pas à une politique culturelle ou prennent-ils le « Pass culture » au sérieux ? Espèrent-ils un projet pour l’audiovisuel public ? Pour l’urgente réorganisation de la distribution de la presse écrite ?
Reprennent-ils confiance et courage lorsqu’ils écoutent leur président saluer en notre nom l’héroïsme du lieutenant-colonel Beltrame, rappeler inlassablement aux Européens à la Sorbonne, à Strasbourg ou à Aix-la-Chapelle que, si l’on n’y prend garde, il pourrait être bientôt minuit dans le siècle, demander aux membres du Congrès des États-Unis de refuser de ne voir midi qu’à leur porte, célébrer l’avenir de la langue française plutôt que de ronchonner sur son déclin, prendre le deuil de ce « gracieux dévorant » que fut Jean d’Ormesson, mettre des mots sur l’émotion populaire qui accompagna le cercueil de Johnny Hallyday, bref, rendre son lustre à la fonction perdue de représentant de la nation ? Marcheurs de 2017, apôtres de l’en-même-temps, où êtes-vous ? Où en êtes-vous ?
« Le “tous ensemble” est devenu “moi Jupiter” »
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[Faux-amis]
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Marche arrière !
Philippe Meyer
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