La ruralité n’est plus ce qu’elle était, mais les villages de France ont conservé des noms qui leur collent à la peau depuis des siècles. La palme de la concision revient sans conteste à Y, dans la Somme, loin, très loin de Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson, dans la Marne.

Que de moqueries ont essuyées les habitants de Condom (Gers), d’Anus (Yonne) ou de Sainte-Verge (Deux-Sèvres) ! Mais quelques dizaines de communes, parmi lesquelles Arnac-la-Poste (Haute-Vienne) et Montcuq (Lot), ont pris le parti d’en rire. Depuis 2003, réunies en association, elles organisent une fête annuelle. Bonjour donc de Trécon (Marne), et bienvenue à Vatan (Indre) !

Changer de nom ? C’est légalement beaucoup plus difficile que pour un individu. Il a fallu vingt-sept années de démarches pour que le hameau de La-Mort-aux-Juifs (Loiret) trouve enfin, en 2014, une appellation moins honteuse. 

Rien n’empêche, en revanche, de s’identifier à une commune imaginaire. C’est ce qu’a fait le village de Vaux-en-Beaujolais (Rhône) dont Gabriel Chevallier s’était inspiré pour écrire Clochemerle en 1934. Ce roman truculent, traduit en vingt-six langues, a connu un succès colossal. Il y était question d’un urinoir que le maire laïque projetait d’installer à côté de l’église pour faire enrager le curé… La réalité a fini par rejoindre la fiction : non seulement Vaux-en-Beaujolais a construit une pissotière, qui est aujourd’hui le monument le plus photographié du village, mais celui-ci s’est donné Clochemerle pour deuxième nom. Depuis plus de quatre-vingts ans, les vignerons de Vaux ont appris à goûter l’humour, et d’abord à rire d’eux-mêmes. Grâce à la littérature. 

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