Le Père Noël aura-t-il de quoi garnir sa hotte avant les fêtes ? Question d’enfant pour un monde d’adultes déboussolé, alors que les alertes aux pénuries se multiplient à travers la planète. La situation en France n’est certes pas encore comparable à celle du Royaume-Uni, où l’armée a dû être déployée pour assurer le ravitaillement en essence des stations-service, mais elle n’en est pas moins préoccupante : pièces automobiles, jouets, laine, épices, papier, matériaux de chantier, café, sucre ou textile sont aujourd’hui sous tension et pourraient bientôt manquer à l’appel. Ou, dans le meilleur des cas, voir leur prix grimper, comme ceux du gaz, ce qui peut revenir à une pénurie de fait pour les ménages les plus précaires, incapables de suivre l’inflation des biens de consommation courante.

Évidemment, il ne faut pas chercher très loin l’origine de ces perturbations. Il aurait été à vrai dire plutôt surprenant que la pandémie qui sévit depuis dix-huit mois n’ait aucune répercussion sur le commerce mondial. Mais le bazar actuel des échanges, présenté dans ce numéro du 1, vient pointer la fragilité de cet édifice complexe, fait de milliers de chaînes de production à flux tendus. Alors que la demande occidentale est repartie très vite et très fort, bien aidée par les plans de soutien des États, les usines asiatiques peinent, elles, à suivre le rythme. Le prix des matières premières – bois, métaux, hydrocarbures… – explose, les chaînes de montage attendent désespérément des semi-conducteurs, et les files d’attente s’allongent dans les ports, où le prix du fret maritime a été multiplié par dix en dix-huit mois. De quoi faire les affaires des armateurs, beaucoup moins celles des consommateurs, en attente de produits plus rares et plus chers.

La situation est si chaotique aujourd’hui qu’elle pourrait durer plusieurs mois encore, sans doute jusqu’à fin 2022, le temps de reconstituer les stocks et d’huiler à nouveau les rouages du système économique global. Reste à savoir s’il s’agit d’un simple trou d’air, d’un hoquet passager de la mondialisation, ou si nous ne faisons qu’entrer dans le temps des pénuries. Certes, personne n’avait vu venir la pandémie de Covid-19. Mais les tensions géopolitiques, elles, sont bien là, avec leur lot d’incertitudes. Quant aux nuages noirs de la catastrophe climatique, ils avancent de façon implacable, et avec eux la promesse d’autres chocs sévères. Il serait utile de s’y préparer, au risque sinon de manquer du bien le plus précieux face au péril qui vient : le temps. 

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