Quand la nature s’invite en ville
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Les images n’ont cessé de circuler l’an passé : profitant du confinement, alors que les citadins avaient déserté les rues, canards, renards, sangliers, daims, singes et chèvres sauvages avaient fait leur apparition dans les métropoles du monde entier, rappelant une fois de plus à quel point la vie animale est liée à l’histoire des villes. Elle est même d’ailleurs l’une des raisons de leur création. « Les villes se sont construites contre le monde sauvage, dans l’idée d’éloigner les bêtes, de les maintenir à l’extérieur des murs », rappelle Joëlle Zask, spécialiste de philosophie politique et auteur de Zoocities (Premier Parallèle, 2020). En effet, depuis l’Antiquité, la nature s’arrête aux portes de la ville, à l’exception de quelques espèces domestiques – chats, chiens, chevaux… – qui ont droit de cité. À mesure que les sociétés se modernisent, l’élément sauvage est repoussé toujours plus loin en dehors des métropoles. Un phénomène qui atteint un point culminant avec le mouvement hygiéniste des années 1920 et 1930, qui prône l’aseptisation et la stricte séparation entre monde sauvage et monde social : « À l’époque, les animaux étaient synonymes de virus, d’infestation, rappelle Xavier Japiot, naturaliste et spécialiste de la biodiversité à la mairie de Paris. Il ne fallait donc laisser aucune place à la nature sauvage. La moindre cavité, la moindre tache d’humidité était susceptible d’attirer les rats, les blattes et les fougères. » L’architecture est mise au service d’une ville de plus en plus hostile aux animaux. Aujourd’hui encore, les murs de béton lisse et les parois métalliques empêchent toute forme de nidification. Et les enfilades de surfaces vitrées constituent des pièges pour les oiseaux qui viennent s’y écraser.
Pourtant, les animaux sauvages continuent de peupler nos villes. On y trouve même des centaines, voire des milliers d’espèces différentes qui cohabitent avec les humains, avec plus ou moins de succès. « La majorité d’entre elles sont ce qu’on appelle des espèces généralistes, confirme Xavier Japiot, c’est-à-dire des espèces qui, comme nous, peuvent manger d
« Le vivant a une capacité de reprise absolument extraordinaire »
Baptiste Morizot
« Avec l’émergence de l’agriculture et du bétail domestiqué, la problématique fondamentale est devenue de garder le contrôle d’espèces mises à notre service. Cette domination comme mode de rapport au vivant s’est retrouvée transposée à toutes les formes de vie, même sauvages. » Le philosophe Bapt…
[Coexistence]
Robert Solé
CETTE RENCONTRE historique aurait-elle eu lieu sans la pandémie de Covid ? Pendant le confinement, des animaux sauvages rôdaient dans les rues de certaines villes, surtout la nuit. Ici, des canards ; là, des daims ou des paons ; ailleurs, des sangliers, des singes, des kangourous, des pumas…
Koko, la gorille « parlante »
Owen Huchon
Comprendre ce qui se trame dans la tête des animaux relève d’un fantasme presque universel, source de légendes et de récits fantastiques. Et si les observations sur le sujet sont nombreuses, leur légitimité s’avère parfois douteuse, voire trompeuse, à l’image du cheval Hans le Malin, dont le prop…