Du point de vue de l’étymologie, le « sauvage » renvoie au monde de la forêt, des bois obscurs, de ces fourrés menaçants où sont tapies les bêtes qu’on n’a pas su domestiquer. Dans le célèbre livre pour enfants Max et les maximonstres de Maurice Sendak – dont le titre original signifie « Là où sont les choses sauvages » –, c’est lorsqu’une jungle se met à pousser dans sa chambre que le jeune héros au costume de loup entame son périple initiatique. Et de fait, notre monde a longtemps été partagé en deux, entre l’espace des hommes et celui des bêtes, de l’autre côté de la lisière. Mais que faire du sauvage quand toutes les jungles, forêts et autres zones naturelles auront été colonisées, domestiquées par l’homme ?

La crise que nous traversons depuis un an et demi a rappelé les problèmes sanitaires que pouvait causer l’abolition des frontières physiques entre humains et animaux. Or, la destruction de l’habitat de ces derniers en pousse de plus en plus vers les villes, à l’image de cette colonne d’éléphants qui a traversé la Chine au début de l’été, et les zoonoses pourraient encore se multiplier à l’avenir. Sans même parler des dégâts pour la biodiversité elle-même, décimée par ces prédations et le morcellement de ses territoires… Mais peut-être est-il possible d’aborder la question avec un autre regard ? D’imaginer que cette coexistence forcée pourrait aboutir à une cohabitation apaisée, voire bénéfique, notamment dans les efforts de lutte contre le changement climatique. Bref, de concevoir une autre façon d’habiter l’espace commun, respectueuse des besoins de chacun.

C’est évidemment tout sauf simple. Si les efforts de « réensauvagement » de l’Europe ont permis, au cours du demi-siècle dernier, de donner un second souffle aux mammifères du continent, ils ont aussi rappelé la complexité des relations à la faune sauvage. Comment s’adapter à la présence d’animaux qui bousculent notre quotidien et n’obéissent à aucune de nos règles ? Est-il possible d’entrer en « négociation », comme le suggère le philosophe Baptiste Morizot dans l’entretien qu’il nous a accordé, et de partager la Terre avec cet autre radical ? Et comment ne pas tomber, non plus, dans une forme de fétichisme du sauvage qui pousse de plus en plus d’individus à posséder et enfermer ces animaux faits pour vivre en liberté ? Dans le dernier volet de sa série d’été, le 1 se penche sur les nouvelles conditions de notre relation au vivant. Et dessine les contours d’un monde où hommes et animaux pourraient trouver la bonne distance pour apprendre à vivre ensemble. 

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