Il est des inventions qui peuvent changer une vie. C’est le cas des prothèses bioniques sur lesquelles travaillent le Dr Silvestro Micera et son équipe de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Leur vocation ? Permettre à des personnes amputées de retrouver le sens du toucher avec une prothèse. Edoardo D’Anna, doctorant, participe à cette étude depuis trois ans. « Le cerveau des personnes amputées conserve pour toujours la représentation du membre absent, explique le jeune chercheur. Alors, quand les impulsions créées voyagent le long du nerf vers le cerveau, il est capable de convertir ces informations en sensations. » La main a été testée en 2014 sur un Danois de 36 ans. Dans la foulée, cette même personne a expérimenté le doigt bionique. « Les deux prothèses fonctionnent sur le même principe, mais la sensation retrouvée avec la main est celle d’une pression, alors que le doigt permet de percevoir la texture, ce qui est plus abouti. »

Au commencement, il y a une opération chirurgicale. Edoardo D’Anna décompose les étapes de la greffe : « La première phase est d’insérer des électrodes – de la taille d’un cheveu – directement dans les deux nerfs principaux de la main, qui ont la taille d’un spaghetti. Il y a deux électrodes par nerf et chacune d’entre elles possède quatorze contacts par lesquels le nerf est stimulé. » La méthode est empirique : « On ne sait pas à quelle sensation correspondent les contacts, alors on teste. Cela revient à établir un mapping du patient. » Une fois ces paramètres enregistrés, des algorithmes traduisent le signal électrique en impulsions nerveuses. « Les premières traductions étaient plus proches du fourmillement. Avec le temps, on s’approche du langage nerveux, et les sensations sont plus naturelles. »

Les enjeux à venir sont multiples. D’abord, prolonger les périodes de test afin de vérifier la viabilité des prothèses dans le temps. « Il y a deux ans, les essais duraient un mois. Nous sommes aujourd’hui passés à six mois, et nous visons les deux à trois ans. » L’équipe travaille aussi sur un système implantable pour l’avenir, à la manière d’un pacemaker. « Dans la première version, le système prenait la place d’une colonne d’ordinateur, impossible à déplacer, se souvient le bio-ingénieur. Actuellement, il est transportable dans un petit sac, mais nous tendons vers une miniaturisation pour qu’il puisse s’intégrer dans la vie de tous les jours. » L’objectif ultime, explique Edoardo D’Anna, est de combiner la pluralité des sens du doigt bionique – toucher, texture, température – avec la prothèse de la main. 

JULIA GLEY

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