Dans le conflit intime, social et civilisationnel qui oppose les troupes du cerveau aux armées de la main, l’homme occidental a choisi son camp : il privilégie le développement de ses compétences cérébrales, valorise à outrance son intelligence, et tient pour inférieurs les savoir-faire manuels. Cette défiance nous isole de nous-mêmes. Le déséquilibre se fait sentir et l’errance débute. Pour se retrouver, l’homme doit se reprendre en main. 

En effet, la pensée le coupe du moment présent. Ses mécanismes le transportent ailleurs, dans l’espace et dans le temps. Elle lui rappelle le passé, nourrit son imaginaire vagabond, lui suggère des projets pour demain, et le présent passe sans qu’il le touche… Comme le souligne l’explorateur et psychiatre suisse Bertrand Piccard, nous sommes enfermés dans le « je pense, donc je suis », au détriment du « je ressens, donc je suis ». Ressentir, c’est habiter l’instant. Et pour ressentir, il faut utiliser ses mains, entrer en contact avec la matière. À l’inverse, ne pas être à l’écoute et au contact des sensations consolide en nous les automatismes de pensée et de comportement. Peu à peu, mais de manière implacable, nous nous laissons piéger dans les glaces de l’habitude et du réflexe. Nous devenons objectifs et froids. Réutiliser ses mains, c’est revenir à nos origines. 

Le premier hominidé qui mérite pleinement le nom d’homme est Homo habilis, « l’homme habile » qui fabrique des outils, ce qui suggère que l’homme a d’abord pensé avec ses mains. Nous savons, du reste, que la première activité du cerveau est de cartographier le corps, et que, dans la copie qu’il en recrée continuellement, les mains ont une taille disproportionnée par rapport aux autres organes, ce qui reflète clairement l’importance qu&rsq

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