La gauche a eu raison de changer d’étiquette. Entre la Nupes et le Front populaire, il n’y a pas photo. D’un côté, un acronyme abstrait, à la prononciation incertaine (nuppe ou nupesse ?), devenu synonyme d’empoignades ; de l’autre, une appellation galvanisante qui évoque une page héroïque de l’entre-deux-guerres. Le mot « front » est d’une étonnante richesse sémantique. Cette unique syllabe exprime :

a) une idée de coalition, d’alliance, de rassemblement, d’union : on fait bloc, ensemble ; 

b) une idée de combat : le front, c’est la zone des batailles, la ligne occupée face à l’ennemi. On monte au front, on y tombe aussi ;

c) une idée de résistance : on fait front contre l’inacceptable, l’intolérable, l’insupportable ;

d) une idée de témérité, de hardiesse, voire de toupet : le chantre de l’en-même-temps, qui voulait tout mener de front, a eu le front de dissoudre.

Passons sur l’idée de promenade : le front de mer risque de nous égarer. Concentrons-nous plutôt sur la politique française qui s’exprime aujourd’hui à fronts renversés. Si la maison Le Pen se proclame toujours « nationale », elle ne fait plus Front : on est prié de l’appeler Rassemblement. En revanche, voici la gauche devenue frontiste, mais avec l’adjectif « populaire », qui veut être le contraire de populiste : c’est ce qui appartient au peuple, le caractérise, émane et procède de lui. La gauche tient d’autant plus au mot « populaire » qu’elle voit le peuple lui échapper. Mais l’heure n’est pas aux gémissements ni aux examens de conscience. La gauche est partie au combat la fleur au fusil, pas le rouge au front. 

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