170 nouveaux mots ont fait leur entrée dans la dernière édition du Petit Larousse : télétravail, quatorzaine, coronapiste, émoji, cluster, mocktail… Le Petit Robert n’est pas en reste, avec distanciel, vaccinodrome, déconsommation, vlogueur… La langue française deviendrait-elle une auberge espagnole ? À Maurice Druon qui l’accusait de « ramasser les mots dans le ruisseau », Alain Rey, grand architecte du Petit Robert, répondait que le dictionnaire était un observatoire, pas un conservatoire. Une langue n’est vivante, ajoutait-il, que si elle reflète la vie de la société.

Le lexicographe le plus célèbre de France a tiré sa révérence à 92 ans, en octobre 2020. Avec ses cheveux longs, ses rouflaquettes et ses habits bariolés, ce Gaulois facétieux, aux faux airs de baba cool, se passionnait autant pour les néologismes que pour l’étymologie. Trois ans avant sa mort, il s’était produit dans un clip avec deux rappeurs, Bigflo et Oli, qu’il avait mis au défi de placer des mots aussi courants que pétéchie ou épectase.

Ouvert à toutes les nouveautés, Alain Rey n’était pas pour autant un adepte des modes. S’il simplifiait l’orthographe de certains mots et féminisait les noms de métier, il rejetait l’écriture inclusive, « imposée par une minorité » et inexprimable à l’oral. Par ailleurs, disait-il, il y a anglicisme et anglicisme : certains termes étrangers enrichissent la langue, alors que d’autres l’appauvrissent en prenant la place d’excellents mots français. De même, il y a faute et faute à l’écrit : ne pas doubler une consonne est moins grave que transformer un futur en conditionnel par un « s » abusif…

Le pape du dictionnaire ne confondait pas ceux qui malmènent la langue française par snobisme, radicalisme ou j’menfoutisme et ceux qui assurent sa vitalité en la bousculant. 

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