Ils sont de retour, ces mannequins de cire que conspuait Aragon durant le procès Pétain, ces maurassiens manifestant « pour l’Injustice et la Trahison, pour Pétain et contre la France ». En 1943, dans Le Musée Grévin, le poète fustigeait les « faux Croisés faiseurs de fantasmagories », avant de dire l’horreur d’Auschwitz. 

Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle
Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop
Ma France mon ancienne et nouvelle querelle
Sol semé de héros ciel plein de passereaux

Je vous salue ma France où les vents se calmèrent
Ma France de toujours que la géographie
Ouvre comme une paume aux souffles de la mer
Pour que l’oiseau du large y vienne et se confie

Je vous salue ma France où l’oiseau de passage
De Lille à Roncevaux de Brest au Mont-Cenis
Pour la première fois a fait l’apprentissage
De ce qu’il peut coûter d’abandonner un nid

Patrie également à la colombe ou l’aigle
De l’audace et du chant doublement habitée
Je vous salue ma France où les blés et les seigles
Mûrissent au soleil de la diversité

Je vous salue ma France où le peuple est habile
À ces travaux qui font les jours émerveillés
Et que l’on vient de loin saluer dans sa ville
Paris mon cœur trois ans vainement fusillé
 
Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe
Cet arc-en-ciel témoin qu’il ne tonnera plus
Liberté dont frémit le silence des harpes
Ma France d’au-delà le déluge salut

Extrait du Musée Grévin, Bibliothèque française, 1943 (sous le pseudonyme de François La Colère). 

© Éditions de Minuit, 1946.

Vous avez aimé ? Partagez-le !