« On a souvent besoin d’un plus petit que soi », nous rappelle Le Lion et le Rat. À l’oublier, on risque de se trouver pris dans des rets… ou de se faire envoyer paître. Un loup sort du bois. Mangera-t-il le trop glouton candidat ? Ou notre président saura-t-il s’amender ? « Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde. » 

Il se faut entraider, c’est la loi de nature :
      L’Âne un jour pourtant s’en moqua :
      Et ne sais comme il y manqua, Car il est bonne créature.
Il allait par pays, accompagné du Chien,
      Gravement, sans songer à rien,
      Tous deux suivis d’un commun maître.
Ce maître s’endormit. L’Âne se mit à paître :
      Il était alors dans un pré
      Dont l’herbe était fort à son gré.
Point de chardons pourtant ; il s’en passa pour l’heure :
Il ne faut pas toujours être si délicat ; 
      Et faute de servir ce plat 
      Rarement un festin demeure.
      Notre Baudet s’en sut enfin
Passer pour cette fois. Le Chien, mourant de faim,
Lui dit : « Cher compagnon, baisse-toi, je te prie ;
Je prendrai mon dîner dans le panier au pain. »
Point de réponse, mot ; le Roussin d’Arcadie 
      Craignit qu’en perdant un moment,
      Il ne perdît un coup de dent.
      Il fit longtemps la sourde oreille :
Enfin il répondit : « Ami, je te conseille 
D’attendre que ton maître ait fini son sommeil ;
Car il te donnera sans faute à son réveil,
      Ta portion accoutumée :
      Il ne saurait tarder beaucoup. »
      Sur ces entrefaites un Loup 
Sort du bois, et s’en vient ; autre bête affamée. 
L’Âne appelle aussitôt le Chien à son secours. 
Le Chien ne bouge, et dit : « Ami, je te conseille 
De fuir, en attendant que ton maître s’éveille ; 
Il ne saurait tarder ; détale vite, et cours. 
Que si ce Loup t’atteint, casse-lui la mâchoire : 
On t’a ferré de neuf ; et si tu me veux croire, 
Tu l’étendras tout plat. » Pendant ce beau discours 
Seigneur Loup étrangla le Baudet sans remède.
      Je conclus qu’il faut qu’on s’entraide.

Fables, VIII, xvii, 1678

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !