C’EST un très vieux mot, tiré du grec : l’oligarque désigne une personne puissante, membre d’un petit groupe qui détient le pouvoir. Aristote et Platon ne sont pas les seuls à avoir commenté ce système que la République romaine illustrerait dans ses institutions. Tombé en désuétude, le mot a été exhumé au lendemain de la chute de l’URSS quand des hommes proches de Vladimir Poutine ont profité de la privatisation de certaines entreprises d’État pour amasser des fortunes colossales et dominer l’économie du pays en lien étroit avec le nouveau tsar. Le terme d’apparatchik ne convenait plus. L’« oligarque russe » est entré alors dans le vocabulaire, en excluant toute autre nationalité : pour les médias, un oligarque ne pouvait être que russe, comme la moutarde est de Dijon et le nougat de Montélimar.

Mais voici que dans son discours d’adieu, le 15 janvier dernier, Joe Biden a mis en garde ses concitoyens : « Une oligarchie prend forme en Amérique, faite d’extrême richesse, de pouvoir et d’influence, qui menace déjà notre démocratie. » Ces oligarques-là appartiennent à la Silicon Valley. Ce ne sont pas uniquement de puissants représentants du capitalisme international comme l’étaient Bill Gates ou Steve Jobs : grisés par leurs milliards, ces néocapitalistes veulent exercer une influence politique, avec un mélange de haute technologie, de liberté absolue et d’autoritarisme. Le personnage le plus emblématique de ce techno-libertaro-césarisme, Elon Musk, a carrément mis un pied à la Maison-Blanche, alternant initiatives glaçantes et fanfaronnades ridicules. Un oligarque aux allures d’olibrius.

Pas une seule femme n’apparaît dans ce groupe, pour le moment en tout cas : jusqu’à nouvel ordre, « oligarque » reste un mot masculin. 

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