Nous avions 13, 14 ans… Avec quelle audace avons-nous imaginé lancer un journal, imprimé, payant, vendu à la criée ?… J’ai du mal, aujourd’hui, à me souvenir des débuts : qui a eu l’idée ? qui a imaginé le titre ? qui a dessiné le logo ? qui a trouvé l’imprimeur ? qui a démarché Flash, le magasin de matériel photo qui a acheté un quart de page de publicité dans un journal qui n’avait aucun statut légal ?…

Nous étions collégiens à Buffon, dans le 15e arrondissement de Paris, juste avant Mai 68, et, contrairement à la France de Pierre Viansson-Ponté, nous ne nous ennuyions pas ! Nous étions trois, puis quatre, saisis par ce que l’on n’appelait pas encore un esprit entrepreneur, mais qui y ressemblait furieusement. Laurent était des premiers jours, déjà atteint par la fièvre de l’écriture.

Notre journal s’appellerait L’Hebdromadaire, un jeu de mots potache que j’attribuais à notre jeune âge ; jusqu’à ce qu’un internaute, sur un réseau social, me signale que Jacques Prévert et André Pozner avaient publié chez Gallimard, bien avant nous, un livre intitulé Hebdromadaires ! Je ne vois pas comment l’un d’entre nous aurait pu avoir ce livre entre les mains pour s’en inspirer, et donc la conclusion qui s’impose est que Prévert et Pozner avaient été potaches avant nous ; nos grands esprits s’étaient rencontrés…

Dans le numéro 1 de L’Hebdromadaire que j’ai sous les yeux, vendu 0,50 franc, tiré à 500 exemplaires, Laurent Greilsamer signe son premier « grand reportage » : « À travers le Danemark », un voyage en famille – il y parle de son frère – dans ce royaume nordique qui l’inspire. Il y parle des églises romanes et d’une nature à l’état brut, mais aussi d’art moderne – déjà ! –, et, beaucoup, de café à la crème et de gâteaux.

Laurent avait, ces années-là, un sérieux, une maturité, et un début de culture classique qui m’impressionnaient, moi qui attendais avec excitation un nouveau titre des Beatles et préférais écrire une brève sur le seuil de 75 000 modèles de porte-clés franchi en France… Sur les quatre « entrepreneurs » de L’Hebdromadaire, trois deviendront journalistes, Laurent avec la carrière que l’on sait. On appellera ça la vocation. 

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