C’est une photo qui a été prise lors des manifestations du 5 avril, sur le boulevard de la Bastille à Paris. Les policiers, qui avaient suivi le mouvement étudiant depuis la place de la Nation, s’étaient déjà pris quelques jets de peinture avant l’arrivée à Bastille et le début de la manifestation officielle. À ce moment-là, les manifestations pouvaient être violentes, mais elles étaient très différentes de celles qui sont organisées aujourd’hui. Aujourd’hui, les syndicats ont un service d’ordre impressionnant qui encadre la manifestation, protège le cortège, mais laisse faire les casseurs. Devant la manifestation officielle encadrée par le service d’ordre, il y a une masse constituée de manifestants, de casseurs, de journalistes… On ne sait plus très bien qui est qui. Les altercations sont nombreuses. Il y a plus de violence aujourd’hui qu’il y a dix ans pour le CPE, ou même qu’il y a encore quelques semaines. L’enjeu de la manifestation dépasse le simple rejet de la loi El Khomri. Aujourd’hui, on vient manifester pour exprimer ses craintes à l’égard d’une période qui nous échappe. Le climat est extrêmement tendu parce que la fatigue s’accumule dans les rangs des manifestants et des policiers. Couvrir les manifestations, ça me permet de sentir l’odeur de l’époque. Je photographie souvent la police. On peut voir qu’elle est épuisée par ces mois de mobilisation. 

Propos recueillis par LILY CORNAËRT

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