Au jeu du portrait chinois, si j’étais un valet de comédie, je serais Leporello chantant les mille et trois raisons de détester le Don Juan de l’Élysée, ci-devant Emmanuel Macron, le Méprisant de la République comme on a pu le lire sur des affiches lors des manifestations contre sa politique…

Adagio

Le mépris, oui, le mépris, serait le premier tempo de ma colère contre cet homme qui ne se cache pas de regarder le monde d’en haut et considère tout ce qui est en bas comme de l’ordure, de la boue, comme – osons le mot – de la merde… 

Crescendo

M. Macron méprise les ouvriers, les employés, les fonctionnaires, le peuple en général et plus particulièrement tout ce qui ressemble à un ou une salarié-e syndiqué-e, cet « ennemi payé » comme disait le père de Franz Kafka. Et comme ornement à ce mépris, ajoutons la morgue, la fatuité et cet air de dégoût pour tout ce qui ne ressemble pas à un homme (ou une femme) du monde – de son monde, celui des banques, des cabinets ministériels, des géants du CAC 40, des milliardaires de l’armement, de la presse et du luxe, ces fameux « premiers de cordée » qui dominent de la tête et des épaules les citoyens ordinaires, la basse classe, tout juste bonne à servir de paillasson.

Staccato

Le troisième tempo de ma colère serait pour stigmatiser la dévotion macronienne au dieu Profit. Ricœur qui s’en dédit : nul ne peut servir Dieu et Mammon ! Macron choisit Mammon, par homophonie approximative. Selon son évangile, les jeunes seront milliardaires ou rien. Bédame, ce n’est pas dur de faire fortune. Il suffit de traverser la rue ! Quant aux vieux, ils doivent se sacrifier et refuser de se plaindre de vivre avec 600 euros de retraite par mois. Les riches, eux, toujours plus riches, peuvent se réjouir : l’impôt sur la fortune ? À la trappe ! L’optimisation fiscale ? La fraude ? L’abus de biens sociaux ? « Et alors ? » comme dirait M. Fillon. Pas de poursuites contre les fraudeurs du fisc, pas d’enquêtes parlementaires sur les menteurs du Medef. Au contraire, pour les récompenser d’être aussi riches voilà 40 milliards d’euros offerts sans contrepartie pour régaler leurs actionnaires ! Sarkozy l’avait rêvé, Hollande l’avait mis en musique, Macron en fait son grand air du Pognon dingue triomphant. 

Legato

Tout est lié : augmentation de la CSG, baisse des pensions et des APL, asphyxie de l’hôpital et de ses personnels, EHPAD à l’abandon, HLM en mort clinique, désengagement de l’État vis-à-vis des régions, ruine des services publics, destruction du Code du travail, ordonnances mortifères pour les salariés, etc. La ligne du gouvernement est limpide : toujours moins pour le bien commun, toujours plus pour l’intérêt privé. 

Ostinato

Dies irae ! Je m’obstine et je continue ! Les affaires étant les affaires, on s’aligne sur l’Amérique de Trump ; on ne se fâche pas avec la monarchie saoudienne si bonne cliente de nos armes. L’assassinat de Jamal Khashoggi ? Les massacres au Yémen ? Circulez, y a rien à voir ! On félicite le dictateur Erdogan de garder les migrants chez lui avant que l’envie leur prenne de venir chez nous qui-n’est-pas-chez-eux. On soutient la théocratie raciste au pouvoir en Israël, donnant du « Bibi » au chef de gouvernement pendant que de courageux snipers tuent des Palestiniens désarmés. Mais attention ! Interdit de le critiquer sans être aussitôt taxé d’antisémite, parole de Crif ! Monarchie, dictature, théocratie… où est la République ?

Scherzo

Comment ne pas s’échauffer en pensant au traitement indigne réservé aux migrants, aux réfugiés, aux sans-papiers, aux sans-toit, aux sans-travail, aux sans-rien à qui M le Maudit n’a à offrir que des escadrons de gendarmerie pour les rafler et détruire le peu qu’ils ont. 

Comment ne pas serrer les dents et les poings devant la répression syndicale ? Celle des humanitaires ? Des zadistes ?

Comment ne pas se souvenir du slogan de Mussolini au moment de la marche sur Rome : « Ni gauche, ni droite, en marche ! » et voir dans cette accumulation répressive une sorte de néofascisme qui n’ose pas encore dire son nom ?

Sostenuto

Dans les européennes qui s’annoncent, M. Macron prétend incarner le rang des « progressistes » contre les « populistes » dont le sinistre Orbán serait la figure de proue. Drapé de lin blanc et de probité candide, il voudrait nous faire oublier son refus de laisser l’Aquarius débarquer en France des migrants sauvés de la noyade ; sa politique de judiciarisation de ceux qui leur viennent en aide ; la stigmatisation des étrangers qui ne sont ni blancs ni chrétiens… Pour qui a les yeux en face des trous Macron et Orbán sont les deux faces de la même médaille, le premier élevant l’hypocrisie et le mensonge au rang d’art de gouverner, le deuxième osant tout, certain d’être approuvé en secret et peut-être même félicité.

Voilà, j’ai fini de chanter. Ce n’est pas un chant très agréable. À la fin de la pièce, apparaît la statue du Commandeur qui envoie Don Giovanni en enfer. Dans notre histoire, la statue du Commandeur c’est le peuple qui, à force d’être insulté, pillé, bafoué, finira bien par se dresser. 

Allegro vivace

La colère est toujours bonne conseillère. 

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