[…]
Je proteste je proteste
Pour l’amour martyrisé
Pour les bouches sans baisers
Pour les corps décomposés
Pour l’échafaud pour la peste

Pour la vie aussi qu’on eut
La mort dite naturelle
Avoir subi les querelles
Qui burinent et bourrellent
Notre visage ingénu

Pour les os qui se brisèrent
La femme à cris accouchant
La sécheresse des champs
Et l’égorgement du chant
Pour la faim pour la misère

Pour ce qu’on a fait de nous
Prenant tout pour de l’eau pure
Qui ne cherchions aventure
Que de la bonté future
Et qu’on a mis à genoux

Au nom des choses meilleures
Prêts à tout ce qu’on voudrait
À tout sacrifice prêts
Pauvres gens bêtes de trait
Qu’on bafoue et mène ailleurs

Pour le mieux donné le pis
Que l’on ait perdu sa peine
Suivi la route inhumaine
À rebours semé la graine
Sous le soleil d’utopie
[…]

Dans Le Fou d’Elsa, Aragon ressuscite Grenade avant 1492, où cohabitaient juifs, catholiques et musulmans. Mais son long poème interroge toutes les utopies, et notre amour pour autrui. Militant fourvoyé dans le rêve soviétique, le poète se demande comment il aurait dû vivre sa colère. Et quand viendra la revanche des vaincus. 

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