Paraissant se presser aux vitrines,
Les badauds encombraient le trottoir.
L’infirmier regagna sa cabine
Quand on eut embarqué les brancards.

L’ambulance, laissant la cohue, 
Les portails, les trottoirs envahis,
Le tumulte nocturne des rues,
Enfonça ses fanaux dans la nuit.

Dans ses feux défilaient les visages,
Et les rues, et les miliciens.
L’infirmier oscillait sur son siège
Un flacon d’ammoniaque à la main. 

Il pleuvait. Dans la salle d’attente
Gargouillait un lugubre tuyau,
Cependant qu’une plume indolente
Remplissait le dossier du nouveau.

On le mit à deux pas de l’entrée 
(L’hôpital était plein à ras bord).
L’odeur d’iode arrivait par bouffées
Et le vent pénétrait du dehors.

La fenêtre encadrait la pelouse
Du jardin, et du ciel un lambeau.
Sur les salles, le sol et les blouses
S’attardaient les regards du nouveau.

Quand soudain aux questions patientes
De la garde, à son air anxieux,
Il comprit qu’il avait peu de chances
De tirer son épingle du jeu.
(…)

Extrait de « À l’hôpital », traduit du russe par Michel Aucouturier, dans

Ma sœur la vie et autres poèmes © Éditions Gallimard, 1982

 

 

L’auteur du Docteur Jivago est d’abord poète. Il écrit À l’hôpital en 1956, un an avant la publication de son chef-d’œuvre. Les images, les odeurs et les sons se répondent : autant de détails pour donner à sentir le chaos autour d’un malade presque résigné. Le poème se terminera en prière. L’adieu y devient un hommage à la vie. 

 

 

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