À ses débuts en 2012, elle ressemblait à « Barbie faisant de la politique », raillaient ses amis. Gauche, mais déjà très à droite, Marion Maréchal bafouillait et hésitait. Cinq ans plus tard, l’apprentie empruntée devenue puncheuse pleine d’aplomb maîtrisait le verbe et aimantait les regards. Pour, à 27 ans, annoncer sa retraite de la vie politique. Une comète, un feu follet, une luciole ? L’Absente est toujours bien présente, aux aguets, intrigante. Chaque tremblement de sourcils affole le microcosme : la Wonderwoman aux 750  000 fans sur Facebook va-t-elle revenir ? Et quand : en 2022, en 2027, plus tard ? Marion après Marine, la nièce mieux que la tante : balance ton storytelling !

À 30 ans, la motarde maîtrise tout cela en vieille routarde ayant pris goût à la politique. Pourtant, elle s’en est beaucoup méfiée, la faute à tous ces drames auxquels elle a assisté enfant dans la villa de Saint-Cloud où elle a grandi. Roi en son antre de Montretout qui surplombe Paris, le grand-père y mélange affaires familiales et politiques. Les portes claquent, les nerfs lâchent, les scissions marquent au plus profond chacun des Le Pen. Marion en est une, une vraie.

Fille de Yann Le Pen, la plus jeune sœur de Marine, elle a pour père biologique le journaliste Roger Auque, mais porte le nom de celui qui l’a reconnue et élevée, Samuel Maréchal. Longtemps très proche de Jean-Marie Le Pen, Maréchal était partisan de la ligne « Ni droite ni gauche, Français ! ». Il veille maintenant, en coulisse, aux destinées de sa fille. Car l’étudiante en droit s’est jetée dans ce marigot qui l’effrayait, pressée par Jean-Marie Le Pen de se présenter aux législatives en Vaucluse, en 2012. Elle a alors 22 ans, ne voit que le risque. Tapi dans son fief, le député sortant, un vieux mâle au cuir tanné, pense n’en faire qu’une bouchée ; il est juste vexé que le patriarche lui envoie une petite marchande d’allumettes plutôt que de venir ferrailler en personne. Erreur ! Marion Maréchal expédie le sortant au cimetière des prétentieux, aidée par la candidate de gauche qui s’est maintenue pour une providentielle triangulaire.

L’étudiante en droit devient benjamine de l’Assemblée, seule élue sous l’étiquette FN. La bourgeoise de l’Ouest parisien fait mouche dans ces terres provençales et poujadistes qu’elle découvre, elle pourrait, dans la foulée, sauter en parachute sur la mairie de Carpentras, mais le double mandat ne la tente guère. En 2015, elle porte néanmoins le flambeau du FN pour les régionales en PACA ; toujours grâce à son grand-père qui vient pourtant d’être écarté par Marine, cheffe du Front, après un énième dérapage verbal. Affaires de famille, toujours. Le « Vieux » tente d’imposer quelques grognards sur la liste de sa petite-fille ; Marion Maréchal l’envoie promener. Cordon coupé, papy estomaqué, comme ses adversaires en campagne qu’elle désarçonne par ses attaques violentes. Elle paraît si douce, elle est si dure. Comment la remballer sans passer pour de vieux machos ? Le piège.

Elle croit gagner, mais la gauche l’empêche, par son retrait, de devenir reine de Provence. Avec 45 % des suffrages, elle signe néanmoins un record pour son camp. La voilà star, avec ses groupies des deux sexes, « le joli visage de l’extrême droite française », pour Die Welt, « Rolls-Royce du FN » pour le Telegraph. Un « don du ciel », se pâment des fans ébahis. L’amatrice de rap au sourire télégénique prodigue des selfies à foison. « Les femmes lui portent les gosses à embrasser ! » fulmine un communiste, ébahi d’apprendre qu’un collègue syndicaliste assiste à son meeting. « Elle est belle, elle est bonne ! » justifie le converti. Catho, mais pas grenouille de bénitier, mère depuis la naissance d’Olympe en 2014, rapidement séparée du père, la députée est vite déçue par cette Assemblée nationale où elle cire le banc en bâillant. Élue non inscrite donc sans pouvoir, elle acte son « impuissance politique ». Au moment de se représenter en 2017 avec de bonnes chances de repasser, elle coupe court. Députée ? Sans intérêt, surtout s’il faut se retrouver, dans un groupe parlementaire, sous la coupe de sa tante.

Les deux femmes sont politiquement éloignées ; la nièce ne veut pas affronter celle qui l’a en partie élevée, a changé ses couches et s’appelle également Marion pour l’état civil. De son côté, la cheffe du RN la craint comme sa plus dangereuse rivale. Alors, la légitimiste Marion Maréchal fait un pas de côté. Elle lance l’ISSEP, une école de sciences politiques à Lyon, pour promouvoir les idées ultraconservatrices. Elle y adjoint un Centre d’analyse et de prospective qui ambitionne de tracer des lignes pour la France de 2030. Voilà qui dessine un horizon ; elle n’aura alors que quarante ans.

Mais comment grimper sur la plus haute marche ? Tout se complique. D’abord, à cause de ses idées. « Jeune par l’âge, vieille par la pensée », avait raillé l’homme de droite Christian Estrosi, qui l’a battue aux régionales. Ses chevaux de bataille obsessionnels – lutte contre l’islam, les migrants et les idéologies « indigénistes, racialistes et décoloniales » – plaisent au RN, mais ils ne rassemblent pas encore une majorité à la présidentielle. Et comment créer un pont entre les droites, comme elle l’ambitionne, quand elle se positionne à leur extrême ? Plus radicale que sa tante, elle compte sur la dérive de l’électorat. Mais, loin des partis, elle n’a pas de troupe. Son intérêt lui commande de rester en retrait. Si elle se lance, les couteaux sortiront dans son camp et elle devra batailler, elle qui n’a pas le goût du sang. À défaut, elle cultive la patience et ces petits plaisirs du quotidien : créer du désir, le b.a.-ba de la politique. 

 

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