Il y a Élisabeth Lévy et Gilles-William Goldnadel, il y a Ivan Rioufol et Guillaume Bigot, sans oublier, en majesté, Éric Zemmour. Ça ressemble à s’y méprendre au casting d’une journée ordinaire sur CNews, avec ses invités et pseudo-experts habituels. C’était, le 28 septembre 2019, celui de la « convention de la droite ». Le raout entend rassembler autour de Marion Maréchal les droites identitaires, catholiques, souverainistes, pourvu qu’elles soient extrêmes. Ce jour-là, si les habitués de la chaîne info sont déjà autour de lui, Éric Zemmour n’est pas encore installé sur CNews, mais son arrivée est déjà actée et les contours de son émission quotidienne dessinés. Son discours d’ouverture à la Convention de la droite en est la répétition générale. 

De l’une à l’autre, Zemmour décline le « grand remplacement » de Renaud Camus, cher aussi à Marion Maréchal. Ainsi, à la tribune, il éructe contre « les femmes voilées et les hommes en djellaba » qu’il compare à « une islamisation de la rue comme les uniformes d’une armée d’occupation rappellent aux vaincus leur soumission ». Un mois plus tard, sur CNews, le voilà qui « estime que quand on vient en France et qu’on est français, on doit changer son point de vue » et lâche : « Quand le général Bugeaud arrive en Algérie, il commence par massacrer les musulmans, et même certains Juifs. Eh bien, moi, je suis aujourd’hui du côté du général Bugeaud. C’est ça, être français. » Le premier propos vaudra à Zemmour une condamnation pour injure et provocation à la haine, le second une mise en demeure du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour CNews. 

« Tous nos problèmes sont aggravés par l’immigration, et sont aggravés par l’islam », balance-t-il à la Convention de la droite. « L’immigration, l’islam et l’islamisme, tout ça, c’est le même sujet », crache-t-il sur CNews. De la tribune maréchalienne au porte-voix médiatique de CNews, les mêmes obsessions : « Ces femmes qui n’ont plus besoin du contact dégoûtant d’un homme pour faire des bébés » résonne sur la chaîne info avec la description de la PMA vue comme un « caprice » et celle de l’homosexualité comme « un choix ». L’« opération d’occupation et de colonisation de portions du territoire français » trouve son écho dans les « enclaves étrangères » dont il se repaît sur CNews. Et ça continue, ça ne s’arrête jamais : « La continuité entre les vols et des viols et les attentats : ce sont les mêmes qui les commettent » – ça c’était devant Marion Maréchal. « Ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont ! Il faut les renvoyer ! », à propos des mineurs isolés – ça c’était devant les téléspectateurs de CNews.

« Je découvre que nous avons beaucoup de points de convergence intellectuelle. » Ainsi Éric Zemmour relate-t-il à Valeurs actuelles sa rencontre avec Vincent Bolloré en juin 2019, quand ce dernier le persuade de rejoindre CNews, chaîne info de Canal+ dont il a personnellement pris en main le destin depuis 2015. Et c’est sur feu i-Télé, rebâtie début 2017 sur les cendres fumantes des départs d’une centaine de journalistes refusant de travailler aux côtés de Jean-Marc Morandini, que cette « convergence » fait son nid. Quand Zemmour arrive, le virage Fox News est déjà très sérieusement pris. Ainsi Pascal Praud a déjà échangé la discussion de comptoir footballistique pour le bavassage d’actualité au zinc. Consistant à dégoiser, s’indigner en permanence, en resservant la petite sœur à Ivan Rioufol ou à Élisabeth Lévy. Allez une autre, patron ! Une belle carrière pour Praud avec deux éditions par jour de L’Heure des pros et un bombardement comme « conseiller éditorial » du patron de CNews, Serge Nedjar, vieil affidé de Bolloré.

La direction de Canal+ devrait songer à faire équiper ses bâtiments de dispositifs antisismiques tant les colères de Vincent Bolloré ont fait trembler les murs. Mais la première, c’est Éric Zemmour qui la déclenche. Fin 2014, Céline Pigalle et Cécilia Ragueneau, les deux dirigeantes d’i-Télé, ont viré le duettiste de Ça se dispute après une saillie raciste dans le Corriere della Sera. Grosse, très grosse colère de Bolloré quand il l’apprend. Six mois plus tard, les deux patronnes d’i-Télé sont dans la charrette de cadres de Canal+ virés par Bolloré ; quatre ans après, Zemmour est de retour sur CNews à laquelle il assure ses plus grosses audiences entre 19 et 20 heures – avec plus de 700 000 téléspectateurs, coiffant BFMTV à cet horaire.

Sur CNews, empiler les couches de membres du Rassemblement national, actuels ou anciens (tel Jean Messiha, dont le temps d’antenne dépasse celui de Zemmour), de cathos traditionnalistes, de collaborateurs de Valeurs actuelles (Charlotte d’Ornellas, Gilles-William Goldnadel) ou de médias apparentés (Élisabeth Lévy de Causeur), de grandes gueules dont la taille de la bouche les estampille direct à la droite de la droite (Jean-Claude Dassier), ça ne fait pas peur. Ce n’est même plus une ligne éditoriale ; ça ressemble à un programme politique. N’oublions pas Jean-Marc Morandini, dont l’émission médias dérive vers des commentaires de l’actualité façon Praud. « EXCLU », clamait-il sur les réseaux sociaux pour annoncer la venue de… Marion Maréchal. C’était le 18 janvier, au terme d’une heure passée avec, entre autres, Jean-Lin Lacapelle, eurodéputé du RN. Maréchal et Lacapelle, on est d’accord, ça fait un peu beurre et pâté. On la disait en passe de devenir chroniqueuse sur CNews, Marion Maréchal, mais non, elle sera simple invitée : chez Praud en décembre, chez Morandini en janvier. Février arrive, 2022 aussi. 

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