Où va l’extrême droite ? Il ne s’agit malheureusement pas d’un sujet de dissertation en science politique, mais d’une question d’actualité. Notre monde, agité de mutations puissantes et multiples, semble pris au piège de ces « phénomènes morbides » de « l’interrègne » entre l’ancien et le nouveau, que décrivait Antonio Gramsci après le krach de 1929. Les démocraties, des deux côtés de l’Atlantique, sont travaillées par des tentations populistes, autoritaires et nationalistes auxquelles quatre années de « trumpisme » auront donné encore plus d’écho. Qui peut prédire ce que nos futurs livres d’histoire retiendront de l’élection de Joe Biden ou de l’inconcevable attaque du Capitole ?

L’extrême droite est traversée par ces emballements transatlantiques : en 2019, Steve Bannon, l’ex-haut conseiller de Donald Trump, faisait la tournée de l’Europe pour appeler au « réveil des nations » contre l’UE et depuis, la vague complotiste QAnon a débarqué sur le Vieux Continent. De leur côté, les suprémacistes blancs américains emboîtent le pas de Renaud Camus dans sa dénonciation d’un « grand remplacement ».

Dans un long article qui a valeur de document, le chercheur Nicolas Lebourg dresse un portrait complet de ces galaxies extrêmes. Leur dérive exhale les pires relents : racisme, antisémitisme, recours à la violence… S’y mêle la contestation de Marine Le Pen, de sa personne comme de son positionnement politique. Si l’on veut saisir la complexité des hybridations en cours, songeons qu’un dirigeant RN, Jean Messiha, a pu récemment quitter le mouvement sur un double désaccord, estimant la ligne « mariniste » pas assez libérale sur le plan économique et pas assez offensive contre un islam jugé « incompatible avec la France ». Fondateurs du site Les Jours, Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos décrivent comment la chaîne CNews a voué son antenne à cette concurrence des transgressions, dont Éric Zemmour est le fer de lance.

Marion Maréchal unifiera-t-elle cette mosaïque pour succéder à sa tante en imposant un aggiornamento, remplaçant le protectionnisme populiste par un libéralisme autoritaire sur fond de catholicisme décomplexé et d’islamophobie débridée ? Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’historien Olivier Dard resitue les différends idéologiques qui séparent Marine Le Pen et Marion Maréchal. Cette dernière travaille, selon lui, à la refondation idéologique d’une droite conservatrice. Sera-t-elle en mesure d’opérer à l’échelle nationale cette « alliance des droites » qui, dans le Sud, affichent depuis longtemps leur proximité idéologique ? C’est un enjeu politique majeur à venir. Peut-être avant, plus sûrement après 2022 ! 

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