« Il donne à rêver en ouvrant le spectre des possibles »
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Qu’on l’adore ou qu’on le redoute, pourquoi Elon Musk fascine-t-il autant ?
Elon Musk réussit à faire briller les yeux de ses contemporains, parce qu’il a l’art de développer un récit, de raconter une histoire, avec des instruments qui sont ceux des jeunes générations, en truffant son parcours de références pop ou de science-fiction. Il convoque un jeu de références, de Star Wars au romancier Iain Banks, capables de séduire des gens qui ne se reconnaissent pas dans Bill Gates, Jeff Bezos, ou même Mark Zuckerberg.
Mais au-delà de l’art du récit, il offre également un projet pour l’humanité, dont on pourra discuter la valeur, certes, mais qui dessine un avenir lointain, quand le reste du monde est comme sidéré par le changement climatique, incapable de voir plus loin. Elon Musk, lui, débouche l’avenir, il développe une vision à long terme, à contretemps de l’agenda médiatique de l’immédiateté et des épées de Damoclès permanentes. Cela lui est reproché, d’ailleurs, car on peut y voir une forme de déni du défi climatique. Et son rapport au temps est assez particulier, puisqu’il promet à courte échéance des succès qui prennent en réalité davantage de temps. Mais, tout de même, il nous parle de la fin du siècle, il offre aux jeunes générations la possibilité de se projeter vers un avenir qui ne serait pas forcément apocalyptique. En réalité, il donne à rêver, à lever les yeux vers le ciel en ouvrant le spectre des possibles.
Y croit-il lui-même ?
Là où il se différencie d’autres acteurs majeurs, dont Jeff Bezos, c’est qu’il y a une forme de sincérité chez Musk. Quand il affirme qu’il œuvre pour le bien de l’humanité, on n’est pas obligé de le croire, mais lui en est persuadé. Encore faut-il savoir ce qu’il entend par là. La colonisation de Mars, par exemple, n’est-elle rien d’autre qu’un fantasme d’homme blanc et riche ? Quand Musk dit y voir un salut pour l’humanité, c’est d’abord un salut pour une humanité restreinte, à savoir des gens comme lui. Son point de vue est donc extraordinairement biaisé. Mais il n’en est pas moins sincère, il croit vraiment œuvrer pour le bien de l’espèce. Face à la fameuse expression : « Il n’y a pas de planète B », Musk affirme le contraire, et tant pis si ce rêve contribue à la destruction de la Terre.
Y a-t-il une cohérence derrière les différents projets technologiques conduits au fil des ans ?
Il y a une première cohérence, c’est l’inspiration puisée dans la science-fiction. Quand il lance Neuralink, un système d’implants neuronaux, il parle de « dentelle neuronale », une expression qui vient des romans d’Iain Banks. Pour Mars, il parle de terraformation, même si Kim Stanley Robinson, auteur de Mars la Rouge, a déjà dit que c’était du flan. Donc ses projets sont vraiment inspirés de ces lectures.
« Je trouve qu’il a un côté Columbo : il fait mine de jouer au crétin »
L’autre cohérence, plus philosophique celle-là, c’est la croyance solidement ancrée dans la capacité de la technologie à apporter une solution à tous nos problèmes. C’est une forme de scientisme qui v
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Pour la juriste et philosophe Antoinette Rouvroy, les déclarations d’Elon Musk « révèlent une conception incroyablement superficielle du rapport entre liberté d’expression et démocratie ».
[Sidéral]
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Elon Musk a prénommé sa dernière héritière Exa Dark Sideræl. Y voir du snobisme serait ridicule : il s’agit simplement d’une allusion au travail de papa.
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