La génération qui vécut la Libération découvrit les longues retraites. Ce fut une immense surprise car durant son enfance, la vie étant plus courte, elle ne s’y était pas préparée. La génération 68, enfants de la société des loisirs, se permit parfois quelques années buissonnières, vers Katmandou ou à la campagne, avant de se mettre au travail. Aujourd’hui « retirée », elle s’organise, pour plus de vingt ans, sur un modèle de longues vacances. Et les jeunes d’aujourd’hui ? Ils ont encore gagné onze ans d’espérance de vie par rapport à la génération précédente. Et si on faisait l’hypothèse qu’ils les ont mis au début ? Reléguant vers 26-28 ans l’âge du premier CDI et du premier bébé ! Cela reviendrait à dire qu’avant cet âge-là, ils accumulent des expériences professionnelles diverses, quelques trimestres de points retraite, des rencontres sentimentales, des études plus longues et, si possible, des voyages. Oserait-on dire que dans un monde de plus en plus complexe, interconnecté, discontinu, imprévisible, mondialisé, devenir adulte prend de plus en plus de temps ? La fin du travail des enfants au xixe siècle, le recul progressif de l’âge du premier emploi au xxe, l’allongement de la jeunesse au xxie siècle, autant d’étapes décisives. Certes, il y a un mais : cette longue jeunesse n’est pas assez soutenue en dehors des familles. Elle est donc profondément inégalitaire. La jeunesse est brisée entre jeunes urbains éduqués et jeunes néosédentaires des villages et des quartiers. Il n’y a pas de politique publique de la jeunesse pour valoriser, démocratiser et financer cette si longue jeunesse. Tout l’argent a été mis sur les anciens depuis la découverte des longues retraites. Pourrait-on équilibrer ce choix par une politique nouvelle, et considérer par exemple que de 16 à 26 ans on a un statut d’apprenti de l’âge adulte qui mélange études, voyages, périodes de salariat, logement en cité U ou en coloc aidée en centre-ville ? Autrement dit, il est urgent de proposer à la jeunesse un projet qui la fasse rêver. Pour commencer, avec un revenu universel pour les jeunes âgés de zéro à 26 ans, de 400 euros par exemple, qui remplacerait toutes les autres allocations – sauf pour le logement. 

 

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