1429-1431 : l’épopée sans pareille
Exceptionnelle en tout, et pourtant typique de son coin de France, de son milieu villageois aisé, de son époque pieuse et déchirée, telle est Jeanne d’Arc, la Pucelle (du latin puella, « jeune fille ») à la destinée inoubliable. En à peine deux ans, l’adolescente qui n’était rien met en mouvement les hommes, bouscule les puissances, et change le cours de la guerre de Cent Ans. Elle finit sa vie sur le bûcher après un procès manipulé par les Anglais. Son mystère et sa légende lui survivent depuis 587 ans.Temps de lecture : 17 minutes
Au bord de la Meuse en crue, ce jour de janvier 1429, une paysanne de 17 ans attend dans la cour du château de Vaucouleurs. Dans la France ravagée par une guerre interminable, la petite ville du Barrois est une des rares au nord de la Loire encore fidèles au roi de France. Elle résiste au duc de Bourgogne, allié du roi d’Angleterre, et au duc de Lorraine qui va les rejoindre. De la jeune fille s’approche un écuyer : « Alors c’est toi, la Jeanne de Domremy. Il paraît que tu veux délivrer Orléans, faire sacrer le dauphin Charles à Reims et renvoyer chez eux les Anglais. Rien que ça… Au point où on en est, tu ne crois pas que notre avenir c’est de devenir tous Anglais et que le dauphin soit jeté à la mer ? » Elle répond. Le jeune homme la regarde, puis lui tend la main droite. Elle y met la sienne.
Après trois entrevues, Robert de Baudricourt, sire de Vaucouleurs, finit par donner à la cadette de Jacques d’Arc et Isabelle Romée ce qu’elle demande : une lettre d’introduction et une escorte pour la mener jusqu’au dauphin, à Chinon, à travers le pays tenu par les Bourguignons. Les gens du coin sont persuadés qu’elle est envoyée par Dieu pour sauver le royaume. Ils lui ont même acheté un cheval. Vu l’état de la France, occupée au nord par les Anglais, dépecée à l’est par les Bourguignons, menacée d’invasion au sud si Orléans tombe, que risque-t-on ? La fille est bien faite, pieuse et, quand elle parle, les gens la croient. Ils espèrent.
Un soir de neige, sept cavaliers sont à la porte de France. Au plus jeune, frêle dans sa veste de soldat, les cheveux coupés comme ses compagnons, le sire de Baudricourt tend une épée. « Va et advienne que pourra. »
Dix jours plus tard, dans l’hiver, chevauchant de nuit par les forêts, franchissant les rivières à gué, ils sont à Chinon, sur la Vienne, au pied de la forteresse royale. Le dauphin consent à recevoir Jeanne au bout de quarante-huit heures. Dans la grande salle, elle va droit à ce jeune homme terne de visage comme de vêtement, et s’agenouille. Charles tient le message de Baudricourt. Il la relève, s’écarte avec elle et l’écoute. Elle parle avec animation et respect. Parfois, il lui fait répéter un mot qu’il n’est pas sûr d’avoir compris à cause du fort accent de l’Est de la paysanne. Mais lorsqu’il se retourne, il est changé, presque souriant, et d’une voix ferme donne des instructions pour que la jeune fille soit logée au château.
Charles emmène Jeanne à Poitiers, où siège le Parlement. Sa virginité vérifiée, elle est questionnée durant le mois de mars. Théologiens, conseillers, militaires et magistrats la jugent honnête et de bon sens. Du Barrois proviennent des informations conformes. Le roi lui fournit une armure et un étendard blanc sur lequel elle fait peindre les mots « Jhesus-Maria » et le Christ au Jugement dernier. Il lui donne un état-major, où sont incorporés deux de ses frères, entre-temps accourus, et la place à la tête de l’armée.
Libérer Orléans ! Jeanne se rend à Blois où le jeune duc d’Alençon est chargé de réunir une armée de secours. Elle n’attend pas, et se joint au convoi de ravitaillement destiné à Orléans, escorté par trois cents hommes sous le commandement de Gilles de Rais. Sont présents La Hire et Xaintrailles, modestes seigneurs gascons, mais redoutables chefs de compagnie. D’abord réticents – une fille à la tête de l’armée ! –, ils constatent que la présence de la Pucelle agit sur le moral des soldats et des gens qui affluent pour la voir. Il se passe quelque chose. L’expédition prend une allure de croisade. Jean
« La stratégie de Jeanne était simple : on fonce ! »
Colette Beaune
Au XXIe siècle, l’histoire de Jeanne d’Arc nous laisse encore stupéfaits. Ses contemporains du premier tiers du XVe siècle étaient-ils aussi étonnés que nous ?
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