La sainteté proprement dite de Jeanne d’Arc ? N’étant pas théologien ni croyant, je passe à côté. Mais j’aurais bataillé avec cette jeune fille, près d’elle, pour elle, car, en son temps, son action insurgée et mystique était totalement justifiée. Je songe parfois à son physique. (Les témoignages du procès de réhabilitation la présentent sensiblement différente de la description que j’en donne.) Taille en rectangle vertical comme une planche de noyer. Les bras longs et vigoureux. Des mains romanes tardives. Pas de fesses. Elles se sont cantonnées dès la première décision de guerroyer. Le visage était le contraire d’ingrat. Un ascendant émotionnel extraordinaire. Un vivant mystère humanisé. Pas de seins. La poitrine les a vaincus. Deux bouts durs seulement. Le ventre haut et plat. Un dos comme un tronc de pommier, lisse et bien dessiné, plus nerveux que musclé, mais dur comme la corne d’un bélier. Ses pieds ! Après avoir flâné au pas d’un troupeau bien nourri, nous les regardons s’élever soudain, battre des talons les flancs de chevaux de combat, bousculer l’ennemi, tracer l’emplacement nomade du bivouac, enfin souffrir de tous les maux dont souffre l’âme mise au cachot puis au supplice.

Voici ce que ça donne en trait de terre : « Verte terre de Lorraine. – Terre obstinée des batailles et des sièges. – Terre sacrée de Reims. – Terre fade, épouvantable du cachot. – Terre des immondes. – Terre vue en bas sous le bois du bûcher. – Terre flammée. – Terre peut-être toute bleue dans le regard horrifié. – Cendres. »

1956

 

Poème proposé par LOUIS CHEVAILLIER et illustré par CLARISSE LOCHMANN

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