Mahmoud Darwich résume l’épopée homérique en trois phrases dont l’ordre change à chaque strophe. Dans trois mille ans, se souviendra-t-on de la guerre israélo-palestinienne comme on se rappelle aujourd’hui la guerre de Troie ? Et dans quelle langue, en arabe ou en hébreu ? Quelle place pour les vaincus dans la propagande à venir qu’est l’Histoire ? 

D’autres barbares viendront. La femme de l’empereur sera enlevée. Les tambours rouleront.
Ils rouleront afin que les chevaux se hissent sur les cadavres depuis la mer Égée jusqu’aux Dardanelles.
Mais que nous importe ? Qu’importe à nos épouses les courses de chevaux ?

La femme de l’empereur sera enlevée. Les tambours rouleront. Et d’autres barbares viendront.
Des barbares qui combleront le vide des cités, un peu plus haut que la mer, plus fort que l’épée au moment de la folie.
Mais que nous importe, qu’importe à nos enfants l’engeance de ces débauchés ?

Et les tambours rouleront. D’autres barbares viendront. La femme de l’empereur sera enlevée chez lui.
Et de chez lui partira l’expédition militaire pour ramener l’épouse frivole à son lit ?
Mais que nous importe, qu’importe aux cinquante mille victimes ce mariage furtif ?

Homère naîtra-t-il après nous ?... Les mythes ouvriront-ils leurs portes à tous ?

Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, traduit de l’arabe par Abdellatif Laâbi, Éditions de Minuit, 1989
© Unesco pour la traduction française

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