Depuis presque dix ans – l’âge du 1 –, nous avons suivi avec curiosité et intérêt d’abord, enthousiasme parfois, ce qu’il faut bien appeler l’aventure macronienne, avant, peu à peu, comme bien d’autres, de déchanter devant les paroles et les actes de ce jeune président dont la manière d’agir allie, comme le dit le journaliste politique François Bazin, un pouvoir « concentré et autocentré ». Emmanuel Macron a-t-il commis une erreur en décidant seul la dissolution de l’Assemblée nationale ? Son coup de poker peut-il être gagnant ? Au-delà de cette question que tout un chacun se pose depuis le 9 juin, une interrogation concerne le chef de l’État lui-même. Pas question d’appliquer cet adage selon lequel la presse « lèche, lâche et lynche ». Mais la geste personnelle de M. Macron, son exercice solitaire du pouvoir, sa dimension narcissique ajoutée à un penchant transgressif, tous ces éléments finissent par dessiner un portrait éloigné de l’ancien marcheur en chef, dont le mouvement portrait les initiales E.M. 

En marche, Emmanuel Macron l’est resté, mais pas dans la direction espérée. La promesse de dialogue horizontal s’est d’emblée brisée contre la verticalité pointue de la pyramide du Louvre. Et, de la crise des Gilets jaunes au débat sur les retraites, l’écoute attendue du sommet de l’État s’est transformée en un « cause toujours » souvent perçu comme méprisant par le peuple. Il n’a échappé à personne que le président faisait le vide autour de lui, se passait de collaborateurs expérimentés, familiers du terrain, au profit de jeunes communicants. Pour, au bout du compte, ne plus écouter que lui, convaincu d’avoir raison. On pense au mot de Clemenceau : « Il faut un chiffre impair pour prendre une décision. Et trois est déjà trop. » Seul, Emmanuel Macron a voulu l’être. Au point de se couper des Français et d’apparaître « hors-sol ». 

Lors de sa première victoire en 2017, le président à peine élu avait promis qu’il ferait tout, pendant son quinquennat, pour que les électeurs, en particulier ceux de Marine Le Pen, « n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes ». Et en 2022, lors de son discours de président réélu toujours face à Mme Le Pen, M. Macron avait salué ceux qui avaient voté pour lui sans le soutenir, mais pour faire barrage à l’extrême droite. » Ajoutant : « Ce vote m’oblige pour les années à venir. » Les années ont passé. Mais à quoi s’est-il obligé, sinon à devenir ce que le politiste Vincent Martigny appelle un « forceur démocratique », qui choisit au mépris des citoyens et des élus de passer en force, tantôt avec le 49.3, tantôt contre le Conseil constitutionnel, et maintenant avec une dissolution aux airs de chantage ? 

Vous avez aimé ? Partagez-le !