Le 9 juin 2024, à 21 heures, en annonçant dissoudre le soir même l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a créé la surprise en même temps que ressuscité l’intérêt pour une procédure classique du régime parlementaire que nombre d’observateurs considéraient comme tombée en désuétude du fait de la dissolution ratée de 1997 et de la coïncidence, depuis 2002, des élections présidentielle et législatives. Certes, en juin 2022, l’absence de majorité absolue à l’Assemblée avait, un temps, laissé penser que la dissolution, ou au moins la menace de dissoudre, pourrait de nouveau révéler son utilité. Le président n’ayant à aucun moment semblé l’envisager, l’hypothèse n’était plus guère évoquée.

Sans doute avait-on oublié un peu vite l’esprit de cette procédure, les termes de l’article 12 de la Constitution et la grande hétérogénéité de la pratique.

L’esprit, Michel Debré, en 1958, le résumait ainsi : « La dissolution […] permet entre le chef de l’État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive. » Il ajoutait que le président n’avait ainsi qu’un pouvoir de solliciter le suffrage universel mais que « cette possibilité de solliciter est fondamentale ».

« C’est au soir du 7 juillet que l’on pourra dire si la dissolution du 9 juin aura réussi ou raté »

L’intervention d’Emmanuel Macron au soir du 9 juin s’inscrit dans cette logique, lorsque, justifiant sa décision « grave » et « lourde » par le score de partis « qui, ces dernières années, se sont opposés à tant d’avancées permises par notre Europe » et par une « fièvre […] du débat public et parlementaire » et un « désordre », il dit avoir décidé de « redonner » aux Français « le choix de notre avenir parlementaire par le vote ». Quoi que l’on pense de la décision, c’est bien de la possibilité de solliciter que le président a usée et ce d’autant qu’un texte le lui permet.

Ce texte, c’est l’article 12 de la Constitution. Il reconnaît au président ce que les juristes appellent un « pouvoir propre », c’est-à-dire un pouvoir inconditionné dont le président use librement dès lors qu’il estime que les circonstances le justifient. La consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées n’est que de courtoisie puisque, in fine, le président seul décide sans que l’acte ait besoin d’être contresigné et sans qu’il puisse être contesté devant aucune juridiction. Si la décision est libre, son usage n’en demeure pas moins encadré puisqu’il faut garantir que jamais un président ne puisse user de la dissolution pour se débarrasser durablement de l’Assemblée. C’est la raison pour laquelle il est prévu qu’une nouvelle Assemblée est élue dans un délai de « vingt jours au moins et quarante jours au plus » et qu’elle se réunit sans que le président ait à la convoquer. De même, c’est ce qui interdit qu’une nouvelle dissolution survienne dans l’année qui suit.

Mais, évidemment, tout est ensuite affaire de pratique. Et comme la dissolution a pour objet de dénouer ce que le chef de l’État considère comme une crise, elle n’est pas si fréquemment utilisée que l’on puisse aisément la théoriser. 

C’est au soir du 7 juillet que l’on pourra dire si la dissolution du 9 juin aura réussi ou raté. Elle est d’ores et déjà la première décidée en réaction à des élections intermédiaires, qui plus est, européennes. Et c’est aussi la première fois qu’un président de la République annonce vouloir mener la campagne pour les législatives qui la suivent. 

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