Une affaire d’égaux
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C’est un poncif du mot et de la chose : nous sommes tous égaux en droit, mais dans la réalité certains sont plus égaux que d’autres. Voilà bien le malheur de ce graal si convoité qui, lorsqu’on croit le tenir, semble aussitôt se défiler. Comme pour faire mentir ceux qui proclament haut et fort l’égalité. Et faire souffrir ceux qu’elle oublie. Que les soi-disant égaux ne soient pas vraiment égaux, l’affaire n’est pas nouvelle. Athènes, nous rappelle l’historienne Michelle Perrot, excluait de son champ les femmes et les esclaves. Et si bien plus tard, en 1796, un proche de Gracchus Babeuf publia le Manifeste des Égaux (avec cette envolée tonitruante : « l’Égalité, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons »), ce droit humain fondamental n’a pas fini de jouer les Arlésiennes. « Elle est un but, un chemin, une bataille », nous dit encore Michelle Perrot. Ajoutons même un horizon qui semble reculer à mesure qu’on croit ou veut s’en rapprocher. Plusieurs événements de ces derniers temps – le mouvement #MeToo, la dénonciation des féminicides ou des actes racistes après la mort de George Floyd – montrent combien l’égalité reste à conquérir.
L’épidémie de Covid-19 a aussi mis en lumière de façon plus crue encore les discriminations entre individus tenus pour égaux en droit. Des disparités insupportables au niveau des salaires – notamment parmi les soignants et les enseignants, à majorité féminine –, mais aussi des logements, de l’accès aux services publics selon que les habitants vivent en ville ou dans ce qu’on appelle aujourd’hui « les territoires », comme s’il s’agissait de secondes zones peuplées de sous-citoyens, où la réalité bafoue l’égalité.
En rappelant que cette dernière fit des pas de géant après la peste noire de 1350, le servage ayant connu alors un recul sans précédent, l’historien israélien Shlomo Sand se demande si le coronavirus ne serait pas un agent démocratique qui pourrait égaliser les conditions de vie sur la planète, et réduire les écarts socio-économiques les plus criants. Mais il n’est guère optimiste devant l’injustice que représentent en particulier les disparités de prise en charge des soins à travers le monde. Oui, l’égalité est plébiscitée. Mais « une égalité entre égaux », écrit sans illusions Shlomo Sand, reprenant la formule d’Aristote.
« L’égalité est un but, un chemin, une bataille »
Michelle Perrot
À la lumière de son parcours d’historienne de la condition ouvrière et féminine, Michelle Perrot évoque le combat toujours en cours pour l’égalité entre les individus, quels que soient leur classe, leur sexe et leur couleur de peau, sans faire l’impasse sur les difficultés et les ambiguïtés de ce…
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Réflexions sur l’égalité de la peste noire au coronavirus
Shlomo Sand
L’historien israélien Shlomo Sand retrace l’élargissement de la revendication d’égalité d’Aristote à nos jours, en insistant sur le rôle des épidémies.