« L’égalité est un but, un chemin, une bataille »
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Spontanément, je pense au droit, à l’importance des droits. Ce que mon marxisme ultérieur ne m’a jamais fait oublier. Je pense aussi situation réelle. À la distinction classique, voire un peu éculée « droits formels, droits réels ». Dans la situation actuelle, deux images me viennent à l’esprit : les enfants, les détenus.
Comment ces droits ont-ils émergé ?
Dans l’absolu, ils devraient être inhérents à la condition humaine.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Mais la conscience des inégalités est un long processus, fruit d’une très longue histoire. Ce n’est nullement spontané. La notion de droit est apparue lentement. Elle s’est formalisée juridiquement à travers les trois grandes révolutions, anglaise, américaine et française. L’égalité n’est pas une réalité mais un objectif, un but qu’il faut toujours poursuivre. Un chemin, une bataille. Pour acquérir des droits, il a fallu que les inégaux, les hors-droit – esclaves, serfs, noirs, pauvres, prolétaires, prisonniers, femmes, etc. – se battent.
Quand on pense égalité, on pense aussitôt inégalités. De tous ordres : biologiques (le « capital génétique »), sociales, culturelles, ethniques, d’âge, de genre, etc. La situation des enfants aujourd’hui met en relief l’inégalité sociale et culturelle. Elle concerne en particulier les décrocheurs, qui peut-être n’arriveront pas à rattraper leur retard ; ceux qui ont faim parce qu’ils n’ont plus de cantine scolaire ; ceux qui ont été violentés. J’ai été très frappée par cet enfant de six ans que son père a battu et tué pendant le confinement. Je pense aux enfants non désirés parce que des femmes n’ont pu avoir accès à l’IVG et qui, peut-être, ne retrouveront jamais l’élan du désir initial. Quant aux détenus, la crise du Covid a mis en relief la situation catastrophique des prisons depuis des années, avec la surpopulation considérable dans les maisons d’arrêt. Heureusement, des libérations conditionnelles ont été effectuées. Cela a permis de donner davantage de place aux détenus. On a observé pour une fois une situation intéressante en prison. Pour combien de temps ? Et en ce jour du 14 juin [date de cet entretien], comment ne pas penser aux Noirs américains, français ou autres, victimes de violences mortelles qui signalent si cruellement leur inégalité ?
L’égalité, ça existe ?
Oui, dans les principes, dans l’importance reconnue à chaque être humain. Et les principes sont importants et pas seulement « formels ». Les mots, les symboles, le droit… sont une réalité, un niveau de réalité, et pas uniquement une « superstructure », comme le marxisme le disait autrefois. Mais dans la réalité du quotidien, dans la matérialité des faits, c’est autre chose. L’inégalité l’emporte.
L’égalité existe-t-elle ? On ne peut la peser avec une balance. Il y a des périodes plus favorables, des moments de croissance économique, et donc de détente de la société, plus favorables à l’égalité. Des potentialités pour l’égalité, en particulier entre les sexes, peuvent s’y développer. Les crises, au contraire, produisent des crispations et ont souvent tendance à creuser les inégalités. Les plus favorisés s’en sortent mieux et, parmi les défavorisés, ceux qui le sont le moins ont tendance à s’enfoncer.
Cette période de confinement a-t-elle été plus préjudiciable aux femmes, dont on a vu les conditions de vie altérées par l’augmentation des tâches domestiques ?
La situation des femmes est contradictoire. On a assisté en effet à un accroissement de leurs charges domestiques et salariales, comme dans les hôpitaux, sans parler de l’augmentation avérée des violences conjugales… Mais, d’un autre côté, les femmes ont bénéficié d’une visibi
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