« La dépression est un dérangement de l’esprit si mystérieusement cruel et insaisissable de par la manière dont il se manifeste au moi, à l’intelligence qui lui sert de médium – qu’il échapperait pour un peu à toute description. Aussi demeure-t-il pratiquement incompréhensible pour qui ne l’a pas lui-même subi dans ses manifestations extrêmes, même si la tristesse, “le cafard” qui épisodiquement nous accablent et que nous attribuons à la tension de la vie quotidienne, sont à ce point répandus qu’ils permettent en réalité à beaucoup de se faire une idée de la maladie dans sa forme la plus catastrophique. Mais à la période dont je parle, j’avais déjà sombré bien au-delà de ces crises de cafard banales et supportables. […] Je traversais une phase critique dans l’évolution de la maladie, qui se situait à un stade intermédiaire et lourd de menaces entre les vagues remous survenus au début de l’été et le dénouement frisant la violence qui en décembre m’envoya à l’hôpital. »

Face aux ténèbres, chronique d’une folie, trad. Maurice Rambaud © William Styron, 1990 © Éditions Gallimard, 1990

 

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