Une révolution ? Indiscutablement. Elle a commencé en 1861 avec l’invention du vélocipède, « un cheval mécanique », infatigable, qui n’a besoin ni de nourriture ni de harnachement. La bonne société se donnera bientôt un « code du véloceman » inspiré de l’aristocratie équestre : le « cavalier cycliste », qui doit se tenir bien droit sur sa selle, a « l’obligation de l’élégance ». Rien à voir avec les horribles « pédalards » des classes inférieures, coiffés d’une casquette à l’envers, penchés sur leur guidon et carburant au gros rouge…

Mais les femmes sont les grandes bénéficiaires de « ce merveilleux véhicule qui donne la vitesse du cheval ». À la tribune du congrès féministe de Paris en 1896, un toast est porté à « la bicyclette égalitaire ». Pour pouvoir pédaler, on raccourcit les robes, on abandonne le corset et on adopte une culotte bouffante, le bloomer (du nom de la suffragette américaine Amelia Bloomer).

« La bicyclette a créé un troisième sexe », constate en 1897 le littérateur Georges Montorgueil. Les défenseurs de la famille et des bonnes mœurs sont affolés. L’engin ne ferait pas que rendre les pédaleuses stériles. Selon le docteur Ludovic O’Followell, secrétaire de la Société française d’hygiène, auteur de Bicyclette et organes génitaux (1900), il provoque « des frictions des lèvres et du clitoris et amène la femme à des pratiques vicieuses ». Le bon médecin admet pourtant, comme plusieurs de ses collègues, que le vélocipède a des effets positifs « sur certaines maladies auxquelles les femmes sont particulièrement sujettes », comme le spleen, la fatigue intellectuelle ou l’hystérie. Une vélorution, on vous dit ! 

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